LA LETTRE DU GOSHIN BUDOKAI printemps 2007
L’ART DE BIEN VIEILLIR
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Préambule
Le
titre de cet article pourrait inciter les jeunes à se dispenser d’en
aborder
la lecture. Ce serait dommage car les effets du vieillissement se
manifestent très tôt :
- Beaucoup d’adolescents perdent
irrémédiablement toute souplesse,
faute d’une activité physique bien conduite ;
- De jeunes adultes souffrent déjà de
douleurs dorsales ou articulaires
chroniques, conséquence du mépris — souvent inconscient —
dans lequel ils
ont tenu leur corps ;
- Quantité d’individus, apathiques,
résignés, sans ambition ni projets, sont vieux avant l’âge.
Mais,
peut-être rejetez-vous l’idée de votre vieillesse, car elle vous fait
peur ?
Ou bien êtes-vous persuadé que le destin ne vous laisse aucune marge de
manœuvre ?
Ou encore que les désagréments de la vieillesse ne commencent pas avant
les
toutes dernières années de la vie ?
Folie !
Inconscience ! Méconnaissance ! Fatalisme rétrograde !
Réagissez !
et vite ! Car, au vieillissement biologique, inéluctable, s’ajoute
un
vieillissement mécanique, contrôlable, et un vieillissement mental,
évitable.
Les
mauvais traitements que vous vous infligez aujourd’hui entraîneront
demain de
multiples séquelles plus ou moins invalidantes. En revanche, si vous
entretenez
correctement votre corps et votre esprit, vous engrangerez à moyen et
long
termes de substantiels bénéfices. L’art de bien vieillir se cultive
tout au long de sa vie.
Athlète de haut niveau … à 90 ans !
Les
arts martiaux sont destinés à vous faire traverser l’existence le plus
sereinement possible grâce à l’acquisition d’une technique
d’autodéfense
éprouvée et au développement d’un mental indéfectible. De plus, un
entraînement
régulier et bien conduit doit vous conférer une condition physique bien
au-dessus de la moyenne. Ils constituent donc le support idéal d’un
harmonieux vieillissement. Un séjour à Okinawa est édifiant : du
jeune
enfant au vénérable vieillard, une grande partie de la population se
retrouve
quotidiennement dans les dojos de karaté. Et les seniors ne sont pas là
pour
surveiller les enfants !
Qui
n’a pas rêvé, devant la démonstration d’un très vieux maître d’art
martial, d’être aussi alerte que lui quand le grand âge le
rattrapera ?
Car le constat est navrant : la grande majorité de nos concitoyens
finissent dans un état de délabrement physique et mental consternant.
Ce
n’est pourtant pas une fatalité : une bonne hygiène de vie, de
l’enthousiasme et une activité physique régulière améliorent
notablement
la perspective d’une vieillesse sereine et épanouie. Cependant, les
arts
martiaux ne détiennent pas l’exclusivité de la vieillesse
heureuse ; la
randonnée, le vélo, la natation, l’alpinisme recèlent de nombreux
sportifs
ayant allègrement dépassé l’âge de la retraite. L’actualité nous en
livre régulièrement des exemples comme celui-ci : un guide suisse
est
mort récemment à 104 ans ; il avait mené son dernier client au
sommet du
Cervin (4478 mètres) à 90 ans. Je peux vous assurer que ce n'est pas
une
promenade de santé.
La
question du jour est donc : quelle est la recette de ces
vieillards épanouis
et quelles erreurs ont-ils évitées ? Bien sûr, en cas d’agression
meurtrière, l’art martial peut permettre de rester en vie, condition
sine qua
non pour vieillir ; je ne reviendrai plus sur cet avantage
indiscutable.
Quelle
que soit l’activité pratiquée, trois qualités caractérisent les
vieillards
heureux : ils sont motivés, dynamiques et (relativement) prudents.
Motivation
Pour
entreprendre, il faut être motivé… ou obligé. L’enfant et l’adolescent
subissent des obligations qui pourront se muter en motivation. L’adulte
n’a
généralement plus que deux obligations : gagner sa vie et élever
ses
enfants s’il en a. Certes, il est possible d’être très motivé pour son
métier,
mais si c’est votre seule motivation, à moins d’exercer en pleine
nature ou
d’être sportif professionnel, il va vous manquer le minimum d’activité
physique indispensable. Si vous ne cultivez pas vous-même quelque autre
motivation, vous risquez de sombrer rapidement dans une passivité
morbide.
Arrivé à l’âge de la retraite ce sera la catastrophe : au corps
affaibli, car négligé va s’ajouter un effondrement du moral,
l’inactivité
devenant extrêmement pesante. Certains pensent échapper à cette
sinistre fin
en se construisant une belle motivation toute neuve. La mode est aux
voyages ;
voyageons ! Ce ne sera qu’un déguisement de leur passivité. Ils
vont se
faire promener, écouter un guide et surtout s’attabler, boire et manger
jusqu’à ce que leur médecin mette un frein à ces plaisirs destructeurs.
La
motivation se cultive. C’est dire qu’elle ne va pas apparaître
spontanément ;
c’est une construction de longue haleine. Les vétérans dynamiques ont
construit leurs motivations dès leur jeunesse.
Dans
ma carrière de professeur d’arts martiaux, j’ai vu plusieurs fois des
gens
arriver en disant être très motivés, s’entraîner deux ou trois fois par
semaine pendant quelques mois, puis disparaître. La motivation ne se
décrète
pas ! Sinon elle est établie sur des idées préconçues qui
colleront
rarement avec l’enseignement prodigué dans un club. Il faut débuter
avec un
esprit ouvert et se laisser imprégner de la dynamique impulsée par le
professeur. C’est le seul moyen de se retrouver en harmonie, de
comprendre et
d’assimiler le contenu des cours.
Il
existe des motivations factices (motivations extrinsèques), comme
l’attrait
de la victoire, de l’argent ou de l’image du champion, mais la seule
vraie
motivation (motivation intrinsèque) est celle qui repose sur le plaisir
de
pratiquer. Or, ce plaisir ne vient pas tout de suite : il faut
passer le
stade de l’apprentissage. Selon l’activité, cela peut demander
plusieurs
années. Un peu de persévérance est nécessaire, mais si le plaisir
n’apparaît
pas, il peut s’avérer judicieux de changer d’activité : tout le
monde
ne s’épanouira pas dans l’eau, dans la neige ou dans un dojo.
On
dit des gens qui pratiquent intensément depuis longtemps qu’ils sont
« passionnés ».
Je n’aime pas ce terme, car il est trop courant d’opposer la passion à
la
raison et je ne vois pas ce qui interdit de s’entraîner
raisonnablement.
Prenons
mon exemple, pas pour me mettre en valeur, mais parce que je suis sans
doute la
personne que je connais le mieux. Le mot passion a souvent été prononcé
pour
désigner mon investissement dans l’art martial ou dans l’alpinisme
puisque
je pratique les deux depuis autant d’années. Ma motivation semble d’un
ordre différent pour chacune des deux activités. Pourtant, dans les
deux cas
la confrontation à soi-même est présente — cet aspect est
capital car
il est la source de la connaissance de soi. De plus, si l’art martial
vise
l’harmonie avec autrui, l’alpinisme tend vers l’harmonie avec la
nature,
en l’occurrence la montagne. Certes, autrui ou la montagne peuvent se
montrer
hostiles de manières différentes, mais c’est toujours l’harmonie que je
recherche car la résolution d’un problème passe toujours par sa
compréhension.
La victoire brutale, physique ou oratoire, transforme le conflit ouvert
en
conflit larvé ; le vaincu, nature ou adversaire, finira bien par
avoir sa
revanche. Ainsi, ma motivation fondamentale est l’harmonie, principal
pilier
du bonheur. Harmonie avec la nature — j’en constitue une
infime
partie —, avec autrui — la vie est avant tout
relationnelle — et avec moi-même
— c’est la base de la santé mentale. Art martial et alpinisme
constituent
donc des voies pour m’élever vers cet objectif ultime. N’étant pas des
buts ni des passions, ces activités sont susceptibles d’évoluer, voire
même
d’être remplacées. Ainsi, un accident de parcours n’entamera pas ma
motivation, trop élevée pour être atteinte par les aléas de la vie.
Les
événements, qui nous accaparent, la maladie, qui nous diminue,
l’accident,
qui nous handicape, peuvent et doivent être surmontés.
J’ai vu Patrick Tamburini, mon professeur, répéter des centaines de
yoko geri avec la jambe
dans le plâtre. Plus tard, à un ou deux mois de sa mort, alors que la
radiothérapie
lui avait brûlé la plus grande partie des
poumons, il assurait presque normalement son cours de karaté si ce
n’est le
fait qu’il allait périodiquement puiser quelques bouffées d’oxygène à
un
appareil d’assistance respiratoire.
Maître Noro, aïkidoka réputé, a créé
le kinomichi — forme de relaxation dynamique dérivée de
l’aïkido
comparable au tai-chi qui est dérivé du wu-shu (kung-fu) —,
car les séquelles d’un
terrible accident lui interdisaient de poursuivre l’enseignement de
l’aïkido.
Voilà des exemples de forte motivation ; mais le plus intéressant
est
cette capacité à s’adapter aux événements, aussi pénibles soient-ils.
Cela repose sur une motivation très forte, visant un objectif très
élevé
susceptible d’être atteint par différentes voies (do). « De
nombreux
chemins mènent au sommet de la montagne. »
Nous
sommes très loin des motivations courantes, terre-à-terre, du
style :
« Je voudrais perdre un peu de ventre ! » ou « Je
fais de
la gym pour me changer les idées ! ». Elles s’écrouleront dès
la
première difficulté rencontrée. Pourtant, tout le monde connaît les
bienfaits d’une vie active ; c’est pourquoi il est impératif que
chacun développe et fortifie une haute et indestructible motivation. Et
plus tôt
vous aurez commencé, plus fort vous serez à un âge avancé.
Néanmoins,
avec l’âge, la motivation peut et doit évoluer. Parmi mes collègues
professeurs d’arts martiaux, beaucoup se désespèrent — certains
ont même cessé de s’entraîner — de ne plus être
aussi rapides, aussi puissants, aussi souples que dans leur prime
jeunesse, preuve d’une motivation d’une banalité désespérante. En
vieillissant, il est normal, passé l’acmé de la forme physique, de
régresser
— encore qu’un entraînement régulier puisse maintenir des
performances de
bon niveau très longtemps. Cette évidence devrait motiver tout le monde
à développer
des capacités mentales qui viendront progressivement compenser les
déficiences
physiques. Ainsi, la vitesse est-elle une notion relative qui intègre
la
surprise de l’adversaire. En travaillant sur l’observation de manière à
porter une attaque au moment optimum vous donnerez l’impression à votre
adversaire d’une vitesse phénoménale. Cette qualité peut s’améliorer à
tout âge, comme de nombreuses autres caractéristiques mentales.
L’objectif
de l’entraînement d’un vieux karatéka n’est d’ailleurs plus de vaincre
en combat, mais d’éviter celui-ci, la victoire en combat de rue ayant
toujours
un goût amer. Celui du vieux maître est de rayonner de sérénité, de
joie et
de bonheur.
La
motivation prend l’allure d’un édifice pyramidal à étages :
- En haut, règne son altesse drapée
dans la philosophie ; elle est quasiment immuable. C’est votre
raison de vivre, le but de votre existence, le lointain sommet que vous
rêvez d’atteindre.
- Dans les étages intermédiaires,
résident les idées nobles ; plus concrètes,
elles suivent l’air du temps, évoluent, mais toujours au service de la
motivation souveraine. Ce sont les différentes voies qui conduisent au
sommet
de la montagne.
- En bas, sont stockés les outils
intellectuels, physiques et techniques qui vous
permettront de parcourir la voie. Vous pouvez en changer, au gré
de votre inspiration ou de vos besoins, afin de contourner les obstacles
de la vie et d’éviter toute lassitude.
Dynamisme
Le
dynamisme ne doit pas se confondre avec l’agitation qui est le plus
souvent stérile.
Le dynamisme est créatif ; c’est l’état d’esprit du chercheur, de
l’explorateur, de celui qui ne s’arrête jamais sur ses acquis, qui va
éternellement
de l’avant. Ce qui peut se faire dans la plus grande sérénité.
Observez autour de vous les gens âgés. Vous découvrirez que les plus
épanouis sont
tous dynamiques, chacun à sa façon. Vous voulez vieillir comme
eux ;
soyez actif, car il n’y a ni joie ni bonheur dans la passivité.
Il
existe un dynamisme intellectuel et un dynamisme physique. Ils sont de
même
essence ; tous deux ont soif de découvertes. Il faut développer
les deux
afin que le corps et l’esprit s’harmonisent. Dans les faits, ils sont
souvent complémentaires, l’envie d’essayer ou d’innover précédant la
réalisation
technique. Ainsi un raid à ski sera généralement précédé d’une phase de
recherche et de préparation : analyse des cartes géographiques,
élaboration
de l’itinéraire, préparation de la logistique. Au préalable, il aura
fallu
que l’envie naisse ; or c’est souvent lors d’une randonnée que
l’on aperçoit au loin des cols ou des sommets où l’on aimerait bien
diriger ses skis. Ainsi, c’est l’activité qui engendre l’activité.
Bien
sûr, pour une majorité de personnes, ces phases concernent
essentiellement le
guide ou le collègue plus aguerri qui endosse une responsabilité
équivalente.
Cependant, si vous n’êtes pas compétent pour cette tâche, rien ne vous
empêche
d’y prendre part, de vous y intéresser afin d’acquérir petit à petit
les
compétences qui vous manquent. Les guides de montagne nomment les
courses
qu’ils réalisent avec des clients passifs et peu sportifs du doux nom
de
« traîne-couillon ». à
méditer ! Et à transposer dans les activités que
vous pratiquez.
Toutefois,
certains guides, par crainte
de perdre des clients, les maintiennent volontairement dans
l’ignorance. Des
professeurs d’arts martiaux en font autant, soit par incompétence, soit
par
peur d’exposer leurs lacunes et de voir leurs élèves fuir. Maître,
professeur ou guide ont vocation à vous amener à leur niveau. En aucune
manière,
ils ne doivent être des entraves ; mais c’est vous qui devez
fournir les
efforts pour gravir les échelons de la maîtrise.
Envie quasi-permanente de vous confronter
à la nouveauté, à la difficulté, au risque et prises d’initiative
fréquentes
sont les marques du dynamisme qui vous permettra cette ascension. Cela
ne veut
pas dire que vous devez changer d’activité tous les jours ; la
découverte
réside d’abord dans l’approfondissement. Cependant, approfondir, c’est
aussi s’ouvrir aux idées novatrices ou prendre un nouveau chemin pour
s’élever
vers ses rêves.
L’enfant,
l’adolescent ou le jeune adulte sont généralement pleins d’envies, de
rêves,
de projets, en perpétuelle attente de demain et, quand on attend,
demain ne
vient jamais assez vite. Le futur de la plupart des vieillards se
réduit à la
morne répétition de leurs petites habitudes ; leur vie est
entièrement
tournée vers le passé, les souvenirs meublent leur présent et cette vie
écoulée
vue en raccourci, comme elle a l’air courte ! comme le temps passe
vite !
Si votre temps s’écoule trop vite, c’est que le passé vous accapare un
peu
trop. La nostalgie, précurseur de la passivité, s’installe en
vous :
attention danger !
Il
faut vivre « ici et maintenant » selon un des grands
principes du
zen. Mais pour pouvoir pleinement savourer le présent, il est
indispensable de
l’avoir préparé. Vous devez aujourd’hui organiser vos joies de demain
en
vous servant de votre expérience passée. C’est ainsi que s’articulent
le
passé, le présent et l’avenir. Le passé doit être avant tout une
accumulation de connaissances techniques. Si vous basculez dans un
passé
psychologique, si vous cultivez vos souvenirs, votre vie amorce son
déclin car
cet ancrage dans le passé est une entrave évidente à un épanouissement
« ici et maintenant ». Idéalement, l’apogée de votre vie doit
correspondre à votre mort. Cela signifie que, jusqu’aux derniers
instants,
vous aurez bâti des projets, avec dynamisme et enthousiasme. Les
vieillards
heureux s’inscrivent tous dans ce schéma.
Retrouvez
donc vos anciens rêves, faites-en mûrir de nouveaux et étayez-les de
projets
concrets ! Pas trop fous pour paraître réalisables, un peu quand
même
pour être enthousiasmants.
Dans
le cadre du karate-do, tous les pratiquants sentent bien la
nécessité
d’avancer. Répéter la même technique ou le même kata sans
s’interroger
sur leur fondement, leur intérêt, leurs variantes ou leurs
applications,
conduit
immanquablement à la lassitude. La routine est une impasse. Pour vous
sentir
stimulé, vous devez découvrir quelque chose à chaque cours ; ce
dont
votre professeur doit avoir une conscience aiguë. L’apprentissage des
techniques de base et des kata doit être rapidement relayé par
un travail
d’approfondissement, notamment avec les bunkai. Vous devez
comprendre le
caractère évolutif et infini de ceux-ci et percevoir que votre
efficacité ne
progressera qu’au travers d’un intense programme de décorticage et
d’exploration des subtilités de votre art martial. Certes, vous pouvez
vous
fier à votre professeur et suivre scrupuleusement son enseignement mais
cette
attitude passive, incontournable au début, doit progressivement
s’estomper.
Arrivé au 1er dan, votre attitude doit devenir
pro-active :
vous pouvez évidemment suivre un entraînement, c’est même recommandé,
mais
vous devez rebondir sur ce qui vous est proposé. Il ne s’agit pas
d’exécuter
des mouvements différents, mais de percevoir les détails qui n’ont pas
forcément
été soulignés par le professeur et qui permettront d’exploiter les
techniques de manière nuancée.
Si
vous avez un bon professeur, vous constaterez une évolution permanente
de son
enseignement. Cela vous offrira un plaisir toujours renouvelé de suivre
ses
cours, mais ne vous dispensera pas de faire preuve de dynamisme, de
curiosité
et de créativité. Si votre professeur est sclérosé et radote,
changez-en avant
de vous lasser !
Dans
toutes les activités physiques, le renouvellement régulier de
l’approche de
la discipline est un garant de la longévité de la pratique.
Ainsi préparé, vous pourrez rester actif aussi longtemps que vous le
souhaiterez.
Cependant,
la vie moderne distille tous les ingrédients nécessaires pour vous
inciter à
la passivité. Téléphone, ordinateur, console de jeux, téléviseur,
automobile peuvent être de précieux outils au service de votre
dynamisme ;
mais force est de constater qu’ils sont trop souvent la source d’une
passivité affligeante. De fait, leur attrait est tel qu’il est aisé de
sombrer. Vous, sportif, avez la chance de connaître les avantages
d’une
activité physique bien conduite ; aussi vous est-il plus facile de
rester
actif. Néanmoins, devant le pouvoir addictif de ces attributs de la
modernité,
il convient d’être extrêmement vigilant. Pour ne pas en devenir
esclave,
vous devez leur livrer une véritable guerre car, si vous entretenez
votre
volonté et votre dynamisme, des gens sont payés pour vous capter, vous
captiver et, littéralement, vous capturer. Avec le risque de finir
comme ces millions de moutons
dociles fascinés par les écrans qui masquent — c’est la fonction
originale
d’un écran — leur propre déchéance.
La
gravité des conséquences de la passivité augmente avec l’âge. Si vous
ressentez les premières atteintes du mal, quel que soit votre âge,
réagissez
immédiatement. Plus on attend, plus le mal devient incurable.
Prudence
N’attendez
pas de moi que je réfrène les élans, parfois jugés suicidaires, de la
jeunesse, des battants et autres aventuriers. Jamais rien de grand ne
s’est réalisé
sans une prise de risque.
Partie
du Pôle Sud pour rejoindre la base française Dumont d'Urville en Terre
Adélie
lors de l'été austral 1999-2000, l'exploratrice Laurence de la Ferrière
parcourt seule, dans des conditions extrêmes, plus de
3 000 km dont 1 800
jamais foulés par l'être humain, à l’aide d’un traîneau tiré par un
grand cerf-volant (parafoil). Elle avait au préalable traversé le
Groenland en
autonomie totale.
En 1990, Catherine Destivelle réalise
un projet longuement mûri : l'ascension en solo du pilier Bonatti
aux
Drus
(massif du Mont Blanc). Pourquoi en solo ? « Ça donne le
sentiment
d'être
très fort, invincible. On est très concentré, donc on grimpe d'une
façon
parfaite ». Dans les années 90, elle accomplit d'autres grandes
courses
marquantes en solo : l'ouverture, en dix jours et en plein hiver,
d'une
nouvelle
voie extrêmement difficile, encore dans les Drus. Suivent les trois
grandes
faces nord mythiques des Alpes, toujours en solitaire et en
hiver : Eiger,
Grandes Jorasses et Cervin.
Maud Fontenoy traverse en 2003 l’atlantique à la rame, puis en
2006-2007, réalise
en cinq mois, malgré un démâtage et un violent cyclone, un tour du
monde à
contre-courant à la voile et en solitaire.
Ces
exemples féminins — choix délibéré — qui confirment, s’il en
était
besoin, que le dynamisme n’est pas l’apanage des hommes, amènent une
évidente
question : ces sportives de l’extrême sont-elles des rescapées de
l’imprudence ?
Si
nous recensions les décès liés à des tentatives d’exploit sportif, nous
serions étonnés par la découverte d’un chiffre très bas. Évidemment,
dans
la plupart des cas, le risque vital est engagé, mais la préparation de
ces
athlètes atteint une perfection inimaginable pour le commun des
mortels. Rien
n’est laissé au hasard : condition physique, entraînement
technique,
choix du matériel, logistique, tout est minutieusement analysé. Les
accidents
possibles, les conditions météo exécrables et même les imprévus entrent
dans le scénario. Alors oui ! le risque est bien présent, mais ils
ont
mis tous les atouts dans leur jeu pour en limiter au maximum
l’incidence.
Ce
qui est remarquable chez ces gens là, c’est le refus d’une vie terne,
médiocre.
Ordinaire en somme ! Certes au prix d’un risque mortel.
La plupart d’entre-vous ne mènerez pas une vie aussi aventureuse.
Cependant, si
vous escomptez une existence radieuse, sortez de la routine,
bousculez-vous,
lancez-vous des défis, prenez des risques.
Ne
craignez pas la mort ! Craignez de vivre mal !
La
crainte de la mort est le pire obstacle au dynamisme. Cela ne signifie
pas que
l’on doit être suicidaire. Quand on entreprend quelque chose de
difficile, on
s’arrange pour réunir tous les ingrédients de la réussite, mais il doit
rester une part de risque : c’est le piment de la vie.
En revanche, il est dommageable de détruire sa capacité à bien vivre.
En
d’autres termes, vous, qui êtes motivé et dynamique, devez être prudent
sur
l’utilisation que vous faites de votre corps si vous souhaitez vieillir
dans
de bonnes conditions. Or, dans la vie courante comme dans les
entraînements
sportifs, beaucoup d’erreurs sont commises. Et il n’est pire situation
que celle où un esprit entreprenant se désespère
devant un corps qui refuse de le suivre.
Violentez
votre esprit mais préservez votre corps.
Pour rester efficient, vous avez besoin :
- D’air pur ;
- D’une alimentation saine et équilibrée ;
- D’exercice respectueux de votre intégrité
corporelle ;
- De repos.
Air pur
A
priori, vous ne pouvez pas grand chose sur l’air que vous respirez
— peut-être,
comme le suggérait Alphonse Allais, faudrait-il construire les villes à
la
campagne ! Cependant vous pouvez éviter quelques erreurs
courantes :
- Pourquoi polluer votre air avec la
fumée du tabac ou un quelconque autre poison ?
- Un local mal aéré devient
toxique ; pensez à ouvrir régulièrement les fenêtres.
- La poussière n’est pas l’ami des
bronches ; soyez rigoureux avec le ménage.
- Choisissez des loisirs au grand air
plutôt qu’en des lieux clos, enfumés et pollués.
Alimentation saine et équilibrée
J’ai
déjà rédigé un article sur la diététique. Il constitue le B, A, BA mais
est largement insuffisant pour élaborer des repas équilibrés.
Bien
se nourrir est essentiel à la santé, à la forme physique et mentale, à
court
terme comme à long terme. Il serait donc souhaitable que chacun étudie
consciencieusement cet art de bien manger. En comprendre les arcanes
nécessite
un niveau de fin d’études secondaires. Comme on nous annonce
actuellement une
proportion d’environ 80% de bacheliers dans une tranche d’âge, cette
connaissance semble accessible au plus grand nombre. Cependant, ne
confondez pas
une véritable étude de la diététique avec ces pseudo-connaissances
glanées
au fil des lectures de revues et magazines qui confondent diététique et
cure
d’amaigrissement. Je suis régulièrement effaré de voir des gens qui
prétendent
manger équilibré commettre de très graves erreurs alimentaires. Je
conseille
donc à tous de se plonger dans un bon cours de diététique ou de le
réviser
si l’apprentissage date un peu.
Beaucoup
de Français mangent trop de protéines animales : viande et
charcuterie en
particulier. Leurs articulations deviennent alors facilement
douloureuses
s’ils pratiquent un sport. Le responsable est l’acide urique, produit
de dégradation
des protéines. La solution est simple : diminuer la ration
protéique.
A
contrario, certains sont tentés par un régime végétarien.
Attention !
vous avez besoin de protéines. Si vous mangez régulièrement des œufs,
des
laitages et du poisson, vous ne rencontrerez aucun problème. Mais si
vous
supprimez également ces denrées, vous devrez trouver vos protéines dans
les végétaux.
Cela demande des compétences en diététique que peu de candidats à ce
régime
possèdent.
Toutes
les études montrent une espérance de vie accrue chez les personnes qui
mangent
modérément. Mangez moins, mais mangez des produits de qualité. Un petit
supplément
de prix peut constituer une assurance santé. Idem pour l’eau dont vous
savez
qu’il faut en consommer deux litres par jour et plus si vous
transpirez. En
certaines périodes l’eau du robinet est fortement chlorée ; est-ce
bon pour votre organisme ? Je ne souhaite pas entrer dans
d’interminables
polémiques sur ce sujet mais votre santé et votre forme méritent bien
de se
poser quelques questions. À chacun de trouver les meilleures réponses
qui dépendent
de très nombreux paramètres, l’essentiel de la démarche étant de se
poser
les bonnes questions sans attacher trop d’importance à l’avis du
dernier
gourou à la mode.
Exercice physique
La
plus grave erreur que vous puissiez commettre est l’absence d’exercice
physique. Certes, certains événements, certaines situations peuvent
contraindre à un arrêt d’activité. Efforcez-vous de raccourcir le plus
possible ces périodes car l’exercice physique doit être considéré comme
un
constituant essentiel de votre hygiène de vie.
Quelle est la bonne dose ? Réponse difficile, car on imagine bien
qu’elle
fluctue d’un individu à l’autre.
- Un constat : les très grands
sportifs ne sont pas statistiquement
ceux qui vieillissent le mieux : usure prématurée du corps, chute
brutale
de la motivation à l’arrêt de la compétition, etc.
- Une constante : le plaisir doit
toujours présider.
Cependant,
même pratiqué dans la joie et la bonne humeur, le sport suscite parfois
quelques désagréments : une étude récente montrait que les
sportifs,
comparés aux inactifs, souffraient plus tôt de l’arthrose. Je ne suis
pas
totalement convaincu par cette étude — le choix des sportifs est
déterminant — qui mériterait
d’être approfondie car un entraînement bien conduit a plutôt des effets
bénéfiques.
Néanmoins, les pathologies sportives n’en sont pas moins une réalité
dont
il faut tenir compte, mais, si les caisses d’assurance maladie et de
retraite
encouragent les seniors à l’activité physique, c’est que le bilan est
globalement positif.
Les
milieux sportifs ont longtemps entretenu l’idée que la force et la
souplesse
étaient contradictoires. C’est faux, l’expérience le prouve. Cependant,
on
constate aujourd’hui une certaine tendance chez les hommes à
privilégier la force au détriment
de la souplesse. Sans doute l’une est-elle mentalement associée à la
domination — masculine —, l’autre à la faiblesse
— féminine —, résidus
d’un univers machiste qui ne dit pas son nom. Je ne saurais trop vous
conseiller de garder un équilibre entre ces deux facettes de votre
préparation
physique.
Repos
Aucune
activité physique n’est profitable sans une bonne récupération. Si vous
vous entraînez alors que la fatigue de l’entraînement précédent n’a pas
disparu, vous entrez dans un cycle de surentraînement. Rien de grave si
c’est
occasionnel, mais si vous persistez, c’est dangereux.
Apprenez
à vous relaxer. Peu importe la méthode, étirements, yoga, méditation,
l’essentiel est d’obtenir un bon relâchement musculaire et un esprit
serein. C’est un excellent moyen de se préparer au sommeil.
Sept
heures de sommeil est un chiffre souvent cité comme norme. En cas
d’activité
intensive, dormir plus est logique : la plupart des sportifs de
haut niveau
dorment neuf heures. Des gens s’écartent sensiblement de ces
chiffres ;
certains en souffrent, d’autres affirment que cela leur convient bien,
mais,
à longue échéance, des troubles divers sont fréquents. En effet, de
nombreux
phénomènes physiologiques se déroulent durant le sommeil. Ils sont
essentiels
et certains sont même totalement indispensables à la survie.
- Un temps de sommeil raccourci risque
de compromettre leur bon déroulement.
Attention ! les conséquences sont rarement immédiates.
- Dormir trop est souvent signe d’une
mauvaise qualité de sommeil ;
il faut découvrir la cause de ce dysfonctionnement.
Il
existe aujourd’hui des cabinets spécialisés dans les troubles du
sommeil ;
n’hésitez pas à consulter.
Les accidents du sportif
Les
pouvoirs publics et les organismes sociaux encouragent la pratique
sportive à
tous les âges car les pathologies sportives sont moins coûteuses et
moins
invalidantes que les pathologies des inactifs.
Cependant ce bilan général fait ressortir deux colonnes assez chargées,
certes avec un
avantage incontestable à la colonne « sportifs ». Ce bilan
peut
encore s’améliorer en faveur des sportifs à condition que chacun gère
son
activité intelligemment. Comment rendre votre activité sportive
pleinement
profitable ? Les conseils qui vont suivre sont le fruit de mes
recherches
documentaires et de mon expérience. Ils n’ont pas la prétention de
devenir
une « bible » et seront mis à jour si nécessaire.
Pensez
qu’un accident laisse toujours des séquelles. Évidemment, les blessures
seront soignées, mais la prévention est la meilleure garantie d’un
vieillissement sans souffrance.
En
dehors des coups et de leurs conséquences (ecchymoses, fractures,
etc.), les
principales souffrances du sportif peuvent se classer en trois
catégories :
- Douleurs articulaires ;
- Douleurs musculaires et tendineuses ;
- Atteintes du rachis.
Douleurs articulaires
Des
causes très variées peuvent engendrer une souffrance articulaire.
Entorses et
luxations sont, en général, considérées comme des accidents
imprévisibles.
Pourtant, un peu de bon sens peut limiter leur fréquence :
- Fermez les poings quand vous
combattez, vos doigts vous en seront reconnaissants ;
- Améliorez vos gestes techniques,
pour respecter les limites
physiologiques de votre corps et éviter les heurts
malencontreux ;
- Musclez correctement vos épaules car
cette articulation ne doit sa
solidité qu’à votre tonus musculaire ;
- Surveillez vos méthodes de rotation
pour préserver vos genoux.
Celles-ci doivent s’effectuer sur le talon quand l’autre pied vient
stabiliser la position en fin de rotation (pivots de retour en arrière
dans les kata). Dans les autres rotations où l’équilibre
résulte d’une bonne
perception du contact au sol, c’est l’avant-pied qui sert de support
(rotation du pied d’appui en mawashi-geri). De toute façon, il
faut choisir,
talon ou avant du pied, sinon le pied colle au sol et c’est le genou
qui
supporte la torsion : aïe !
Tous
les vétérans connaissent l’arthrose : c’est une détérioration des
cartilages articulaires. Si l’on en souffre à un âge plus ou moins
avancé,
le mal s’installe inexorablement dès le début de l’âge adulte. Il est
normal qu’un frottement finisse par user les surfaces en contact, mais
vous
pouvez limiter cette usure à son strict minimum avec quelques
précautions :
- D’abord, échauffez-vous correctement
et longuement. L’échauffement
permet d’augmenter de 10 à 20% le volume des cartilages articulaires et
d’améliorer la lubrification grâce à un apport de liquide. Si vous vous
entraînez seul ou si vous prenez le cours en retard, échauffez-vous
soigneusement avant de commencer et ne forcez pas tant que vous ne vous
sentez
pas parfaitement préparé.
- Ce liquide articulaire est composé
surtout d’eau qu’il faut bien
prendre quelque part : n’arrivez pas au cours en état de
déshydratation.
Une soif impérieuse dix minutes après le début de l’entraînement en est
un
signe manifeste.
- Le tabac favorise la
déshydratation ; fuyez-le. Le stress également ;
restez zen.
- Ensuite, évitez les chocs
répétés : sauts de très haut, frappe
du poing sur un sac très dur, articulation qui arrive brutalement en
butée,
etc.
- Surveillez votre poids. Une
surcharge pondérale accélère l’usure des
cartilages, en particulier ceux du genou.
- Les cartilages ont, chez les jeunes,
une possibilité de restauration
spontanée. Elle est toutefois très inférieure à celle du tissu osseux.
À
l’âge adulte cette caractéristique disparaît progressivement et les
lésions
deviennent irréversibles. À quel âge n’y a-t-il plus de réparation
possible ? Mystère !
D’autres
pathologies sportives peuvent affecter les articulations. Elles
concernent les
ligaments, les bourses séreuses, la capsule, les ménisques, un
épanchement de
synovie et parfois la présence d’un corps étranger : morceau d’os,
calcification, etc.
En prévention, évitez de prendre des coups sur les articulations, en
particulier
les genoux, les épaules et la colonne vertébrale. Le contrôle pratiqué
en
karaté assure déjà une bonne protection. Soyez quand même vigilant car
des
contusions peuvent paraître anodines, mais expliquent parfois des
pathologies
sans cause apparente, les symptômes pouvant se manifester très
longtemps après
le choc. Les longues périodes d’inactivité sont également
préjudiciables.
En
vieillissant, il vaudra mieux éviter les sports qui exigent des
changements
d’appui brusques, fréquents et aléatoires si vous souhaitez préserver
vos
genoux ; ménisques et ligaments n’apprécieront guère. Dès les
premiers signes de faiblesse de vos genoux, abordez le kumite
de karaté
souplement, en évitant les accélérations intempestives. Au lieu d’aller
chercher l’adversaire, laissez le donc venir à vous. Ces conseils
valent également
pour ceux qui ressentent une fragilité lombaire.
Quoi
qu’il en soit, en cas de douleur
articulaire persistante, n’insistez pas et reposez l’articulation
concernée.
Si vous consultez un médecin, choisissez un sportif capable d’évaluer
les avantages
comparatifs d’un maintien ou d’une suspension de l’activité. En cas
d’immobilisation d’une articulation, ne privez pas le reste de votre
corps de
son activité habituelle. Éventuellement, changez de sport en
attendant la
guérison : un poignet foulé n’empêche pas de courir.
Douleurs musculaires et tendineuses
Un
bon échauffement prépare les muscles et les tendons à l’effort :
meilleure irrigation, élasticité renforcée et élévation de la
température
(rendement supérieur vers 38° ou 39°). De nombreux accidents sont dus
à un mauvais échauffement. Méfiez-vous également des moments
d’inactivité
— 1/4 d’heure suffit — pendant lesquels le corps se refroidi.
Les
crampes du sportif résultent d’une mauvaise conduite de l’entraînement,
d’une déshydratation ou de la consommation d’excitants. Lorsque vous en
êtes
victime, étirez délicatement le muscle concerné. Si vous en souffrez
souvent,
il est indispensable d’en déceler l’origine afin d’y remédier. Vous
pouvez trouver seul si la cause se trouve parmi celles citées plus
haut ;
en cas d’échec, consultez votre médecin. Lors des entraînements par
grosse
chaleur, la transpiration se faisant très intense, augmentez à due
proportion votre consommation d’eau
et compensez la perte en sels minéraux avec un produit adapté
(disponible dans les magasins
de sport).
Les
blessures musculaires (claquages, élongations, etc.) se soignent assez
bien
avec un peu de repos, mais la guérison des affections tendineuses est
parfois
problématique. Certaines tendinites, malgré un repos prolongé, ne
concèdent
qu’une légère rémission ; dès la reprise d’activité, la douleur
réapparaît.
La solution est fréquemment dans une modification des conditions
d’exercice.
L’exemple le plus connu est, au tennis, l’influence d’un changement de
raquette sur l’épicondylite.
Il faut d’abord identifier le geste responsable de la souffrance puis
le corriger
s’il est défectueux ou l’interdire s’il ne respecte pas le
fonctionnement
normal d’une articulation. Pour cela, une contention de bonne facture,
ou un
strapping, peut s’avérer utile. Prenons l’exemple d’une douleur de
genou
qui survient dans certains mouvements spécifiques. Il y a fort à parier
que
votre genou s’écarte de son axe de fonctionnement naturel ; le
port
d’une genouillère avec des baleines latérales de guidage évitera cette
instabilité et permettra — peut-être — la guérison sans
arrêter le sport.
D’autre
part, les tendons doivent glisser facilement dans leur gaine. Là
encore,
l’eau est le principal constituant du lubrifiant. N’oubliez pas de
boire.
Un
muscle sollicité se contracte. À l’arrêt de cette sollicitation, il se
relâche
et reprend sa taille initiale. Mais si vous lui demandez des efforts
répétés,
il a tendance à rester dans une semi-contraction, à se raccourcir. En
quelques
mois, il peut perdre une grande partie de son élasticité ; on
parle alors
de muscle noué. Pour un bon fonctionnement, le muscle doit retrouver au
repos
sa longueur maximale. À cette fin il est indispensable d’étirer les
muscles
qui ont fourni des efforts soutenus. Quand vous êtes fatigué, à la fin
d’un
entraînement, étirez-vous modérément pour ne pas provoquer de claquage.
Ainsi, après une séance de mae-geri, des étirements mesurés
des quadriceps
et ischio-jambiers sous une douche bien chaude constituent une solution
idéale.
Au début de l’entraînement, les étirements dynamiques pas trop violents
préparent les muscles à l’effort. Bien
chaud mais pas encore fatigué, ils peuvent devenir plus intenses et à
froid, avec quelques précautions, ils améliorent
votre
souplesse. En fait, vos muscles travaillent toute la journée ;
alors
pensez à vous étirer souvent. Dès le matin au réveil, imitez les chats,
vous
en percevrez rapidement les bienfaits.
Enfin,
rappelez-vous ce principe : des liaisons subtiles relient toutes
les
parties de votre corps. Ainsi, des caries dentaires peuvent entretenir
sournoisement une tendinite. Soignez votre hygiène et votre santé.
Atteintes du rachis
La
colonne vertébrale, ou rachis, est constituée de vertèbres séparées par
des
disques intervertébraux qui jouent le rôle de coussins amortisseurs et
liées
par des ligaments et des muscles vertébraux. Comme sur une automobile,
les
amortisseurs peuvent être « fatigués ». Malheureusement,
aucun
garagiste ne vous changera ces disques-là. Alors, mieux vaut prendre
soin de
votre colonne vertébrale, d’autant qu’elle abrite la moelle épinière et
de nombreuses émergences nerveuses qui n’apprécieront pas d’être
chatouillées par une protubérance discale ou osseuse. Les problèmes
rencontrés le plus souvent se nomment lumbago, sciatique, cruralgie,
dorsalgie, cervicalgie, névralgie cervico-bracchiale, etc.
Le
mal de dos n’est pas réservé aux sportifs ; une grande partie de
la
population en souffre. Les mauvaises attitudes, les positions avachies
et les
efforts dans des positions inadaptées en portent la responsabilité.
Bien
souvent le sport n’est que le révélateur d’un mal déjà installé.
Surveillez votre façon de vous asseoir devant votre bureau, utilisez un
oreiller adapté à votre position dans le sommeil et méfiez-vous des
fauteuils
sans soutien lombaire. La station assise accentue les contraintes sur
les
disques d’environ 30 % ; à éviter, surtout si vous souffrez
du dos.
La
marche, même en terrain escarpé, est bénéfique : oubliez la
voiture au
garage et pour un déplacement de quelques centaines de mètres,
marchez,
même avec un dos fragile. Si vous travaillez assis, ne restez pas plus
d’une
heure sans aller vous dégourdir les jambes. Le clavier d’ordinateur et
la
souris sont responsables, quant à eux, de dorsalgies et de
cervicalgies. Faites
fréquemment d’amples mouvements de bras. Pour travailler debout, mieux
vaut
poser un pied sur un petit tabouret. Changez de jambe tous les quarts
d’heure.
Tout
le monde sait que, pour soulever une charge lourde, il faut plier les
jambes et
garder le dos droit, mais, en dehors des haltérophiles, peu de gens ont
conscience de l’importance du placement du bassin. Celui-ci peut, entre
autres
mouvements, basculer vers l’avant ou l’arrière avec pour conséquence
une
accentuation ou une réduction de la courbure lombaire (lordose). Un
exercice
est parfait pour vous apprendre à placer votre bassin : le
kata Sanshin.
Dans les efforts, c’est la position intermédiaire, ni antéversion, ni
rétroversion,
qui assure la meilleure répartition des contraintes sur les disques.
Vous devez
sentir instinctivement la position de votre bassin.
La
courbure de la colonne vertébrale induit une certaine élasticité
— bienvenue
du fait de notre bipédie — mais aussi quelques points de faiblesse
liés aux
changements d’orientation des courbures. Une charge de 50 kg sur
les
épaules
produit sur le disque L5-S1 une pression de 350 à 650 kg suivant
la
position.
Jeune, on se laisse parfois aller à prouver sa force. Cela se passe
généralement
sans préparation ni précaution. Évidemment, un jour, on passe à la
caisse ;
et il faut payer cash !
Deux
types d’accidents affectent fréquemment le rachis :
- La rupture de l’anneau fibreux du
disque intervertébral sous une
pression excessive provoque l’irruption du noyau pulpeux à l’extérieur.
C’est la hernie discale. Si elle touche un nerf, la douleur apparaît.
- L’élongation exagérée des ligaments
et muscles vertébraux. C’est
l’équivalent d’une entorse.
Les
atteintes du rachis guérissent spontanément 9 fois sur 10 — sauf
l'arthrose, évidemment, qui n'épargne pas la colonne vertébrale —;
la patience
est le meilleur médicament. Cependant, il reste toujours une certaine
fragilité
de l’élément blessé. Il vaut donc mieux éviter ces lésions car les
récidives
sont fréquentes. La prudence est de mise, même pour les jeunes.
Préservez votre dos
Voici
un programme d’entraînement destiné à vous éviter de souffrir du dos.
Il
est à considérer avec circonspection, car, étant tous différents, il
convient d’adapter ces consignes à chacun.
L’entraînement
débute avec une mobilisation de l’ensemble du corps. Les mouvements qui
concernent le rachis doivent s’exécuter lentement et sans à-coup. Ceux
qui
ont déjà souffert des cervicales limiteront les mouvements d’extension
du
cou.
Exécuté
lentement, un mouvement erroné ne porte pas à conséquence. Lorsque vous
atteignez une certaine vitesse, la moindre erreur peut vous être
fatale.
C’est la raison pour laquelle, quel que soit votre grade, vous devez en
permanence revenir sur la technique de base et l’améliorer.
Durant
le cours, deux techniques peuvent vous blesser :
- Gyaku zuki. La rotation du
corps qui accompagne cette technique doit être
uniforme : épaules et bassin pivotent en même temps et la lordose
lombaire doit être maintenue. Certains utilisent essentiellement le
bassin,
d’autres tournent trop les épaules, quelques-uns se cambrent
dangereusement
en fin de gyaku : risque de pincement ou cisaillement des
disques.
- Mae geri. Les hanches
avancent brusquement lors de l’impact et reculent
vivement au retour de la jambe : risque d’une ondulation nocive de
la
colonne vertébrale. Les courbures naturelles du rachis doivent être
maintenues
durant tout le mouvement grâce à un parfait gainage abdominal.
Entretenez
une bonne sangle abdominale et un bon tonus des muscles spinaux
(ensemble des
muscles qui relient les vertèbres). Si vous suivez régulièrement deux
entraînements
par semaine, les muscles concernés sont correctement préparés. Si vous
vous
entraînez moins, introduisez quelques exercices de musculation dans
votre hygiène
de vie.
Le
jogging est une excellente — et presque irremplaçable —
préparation de fond.
Ménagez votre dos en utilisant des chaussures adaptées. L’amorti de ces
chaussures se dégrade au bout d’un an d’après les fabricants. Peut-être
cherchent-ils à nous faire consommer, mais dès que vous sentez une
modification dans l’absorption des chocs, changez de chaussures. Toute
douleur
lombaire, a fortiori si elle irradie dans la jambe, interdit la course
à pied.
Dans ce cas, marchez.
La
souplesse est un bon antidote au mal de dos. Une épaule un peu raide
provoque
une cambrure exagérée de la colonne lombaire lorsque vous levez les
bras à la
verticale. Jambes tendues, toucher vos pieds avec les mains la
sollicite en
flexion si vos ischio-jambiers sont raccourcis. Ces mouvements, s’ils
sont
trop rapides, risquent de léser les éléments souples qui unissent vos
vertèbres.
Pour ne pas subir ces désagréments, travaillez et entretenez votre
souplesse régulièrement
et gardez le dos plat lors des exercices. Ceux qui sont affectés d’une
raideur excessive seront particulièrement attentifs à cette dernière
recommandation.
La
station debout, la marche, les différentes sollicitations tassent ou
pincent
les disques intervertébraux. Le soir, le sujet jeune mesure 1 à
1.5 cm
de
moins que le matin. La nuit, les disques reprennent leur épaisseur
grâce à
une réhydratation qui, malheureusement, s’opère de moins en moins bien
lorsque vous vieillissez. Un autre facteur limite la réhydratation des
disques :
la perte d’élasticité des muscles spinaux, noués ou envahis de tissus
conjonctif (fibrose) à la suite d’une blessure. Des étirements
s’imposent — impérativement sans à-coup. Suspendez-vous à une
barre fixe ;
mieux, faites le « cochon pendu » pour éviter la contraction
réflexe
des muscles spinaux. À ces étirements passifs ajoutez des étirements
actifs :
pieds à plat au sol, cherchez à atteindre avec les mains un point situé
trop
haut. Les mouvements de flexion, d’extension et de bascule latérale du
rachis
doivent viser l’allongement de la convexité et non le tassement de la
concavité. Concrètement, quand vous basculez sur le côté gauche,
cherchez à
atteindre de la main droite un point éloigné situé à 45° en haut et à
gauche. Si vous vous contentez de basculer, vous pincez les disques à
gauche
sans garantie d’un étirement suffisant à droite.
La
musculation des abdominaux doit respecter quelques consignes. Le
principal
muscle de cette région est le grand droit — celui qui vous confère
ces
« carrés de chocolat » caractéristiques. Sa particularité est
de
se fortifier indépendamment en haut et en bas, ce qui implique deux
types
d’exercices pour obtenir un résultat complet. Le bas se travaille
traditionnellement couché sur le dos en mobilisant les jambes :
doubles
cercles, ciseaux, pédalage, etc. Précaution : la région lombaire
doit
toujours toucher le sol ; en conséquence, ne descendez pas vos
jambes trop
près du sol. Même si certains prétextent un travail plus intensif de
cette
manière, vous mettez en danger les disques entre la première vertèbre
sacrée
et la troisième vertèbre lombaire.
L’exercice
le plus courant pour muscler le haut du grand droit est le
suivant : couché
sur le dos, jambes légèrement fléchies, pieds à plat au sol, mains
croisées
sur la nuque, relever le buste sans décoller
les pieds du sol pour toucher les genoux avec les coudes. Cet exercice
est décrié
par certains spécialistes qui incriminent le travail concomitant du
droit antérieur
— un des constituants du quadriceps — et du psoas-illiaque,
deux muscles qui
assurent la flexion de la cuisse sur le buste mais qui accentuent la
lordose
lombaire. Si on observe un athlète réaliser cet exercice, rien dans le
déroulement
du mouvement ne semble préjudiciable, la zone lombaire étant
parfaitement gainée.
La même observation portant sur un individu lambda qui suit le même
entraînement
révèle un tableau différent : quand la fatigue intervient, à
chaque
retour des épaules au sol, la cambrure lombaire est fortement accentuée
afin
de favoriser un effet rebond et quand les coudes touchent les genoux
elle
s’inverse. Cette ondulation de la colonne lombaire ne dit rien qui
vaille. De
plus l’action des muscles psoas-illiaque et droit antérieur intervient
au
moment où la lordose est la plus prononcée. Le risque de pincement du
disque
avec apparition d’une hernie est maximal.
En
conclusion, si l’exercice est exécuté avec un bon gainage de la sangle
abdominale et sans reposer les épaules au sol à chaque mouvement,
je n’y vois pas d’objection. Mais les débutants, les sportifs
fatigués ou ceux qui souffrent — ou ont souffert — du dos
pratiqueront cet
exercice sous une autre forme. Vous constaterez un effet similaire sur
le grand
droit en gardant le dos au sol et en soulevant uniquement les
épaules ; de
cette manière, les muscles psoas-illiaque et droit antérieur ne sont
pas
sollicités. La meilleure position est la suivante : couché sur le
dos,
les talons sur une chaise de manière à former un angle droit entre la
cuisse
et la jambe, un autre angle droit entre la cuisse et le tronc, les
mains sur la
nuque ; comme précédemment, les coudes viennent toucher les genoux
ou
s’en approchent mais seuls les épaules et le haut du dos décollent du
sol.
Les
exercices de musculation des abdominaux ne manquent pas ; aucun
n’est
vraiment interdit, mais il faut toujours pratiquer avec prudence et
modifier son
travail si le gainage lombaire se détériore. Dans ces exercices, une
douleur
dans les « reins » n’est jamais normale. Et n’oubliez pas de
renforcer conjointement la partie postérieure du corps :
ischio-jambiers,
fessiers et dorsaux.
Pour
limiter leur effet lordosant vous étirerez souvent le psoas-illiaque et
le
droit antérieur. Le premier s’étire en prenant la position
zenkutsu-dachi.
Bien sûr, une longue position améliore l’étirement, mais surveillez le
placement du bassin et la lordose lombaire qui ne doit pas être
accentuée. Le
second s’étire de multiples manières ; la plus simple consiste à
maintenir le talon collé à la fesse et à avancer le bassin.
L’étirement
fréquent des ischio-jambiers (loge postérieure de la cuisse) est
également
indispensable pour préserver l’intégrité de la colonne lombaire.
Debout,
jambes tendues et corps droit, posez un talon sur une chaise, avancez
la hanche
opposée, comme dans un gyaku-zuki, et penchez-vous légèrement
en avant.
Mobilisez
et étirez tous les jours vos épaules en tous sens. Attention ! si
la vie
quotidienne est suffisante à l’entretien des doigts, des mains et des
avants-bras, elle est incapable de maintenir une épaule réellement
fonctionnelle — sportivement s’entend.
Bien
sûr, tous les muscles doivent être étirés, mais ceux que je viens de
citer
seront particulièrement soignés.
Ceux
qui ressentent une fragilité du rachis exécuteront ces exercices avec
prudence
après avoir étudié et bien compris ce qui est indiqué et
contre-indiqué. Si
vous souffrez du dos, reposez-vous, puis étirez délicatement et
régulièrement
les muscles susceptibles d’entretenir un pincement de disque. Reprenez
l’entraînement avec modération en surveillant de près vos attitudes. Et
fortifiez les muscles spinaux : debout, enroulez vers l’avant vos
vertèbres
une à une en commençant par les cervicales. Puis remontez lentement en
déroulant
d’abord les lombaires. Vous pouvez intensifier l’exercice en ajoutant
un
poids — raisonnable — sur les épaules, voire sur la tête si
vous souhaitez
renforcer la tenue des cervicales.
N’attendez pas la chance
À
supposer qu’un jour vous arrêtiez la pratique sportive, — ce
serait
regrettable — conservez pour le moins la marche dynamique et les
étirements :
c’est le minimum au-dessous duquel le corps se dégrade inexorablement.
N’acceptez pas un arrêt total d’activité ; ainsi, le moment venu,
vous pourrez reprendre sans souffrance insupportable.
Certes,
la vie inflige des instants difficiles qui éteignent définitivement le
dynamisme d’une grande partie de la population, ainsi promise à une
morne
vieillesse. De jeunes adultes sont déjà atteints par ce mal insidieux.
Refusez
cet écueil ; restez actif et entreprenant. Les événements, heureux
ou
tragiques, sont des questions auxquelles il est toujours possible de
répondre.
La plupart des gens ne trouvent pas de réponse, car ils ne cherchent
même pas
à répondre. Dans ces moments pénibles, c’est votre motivation qui va
transformer ce que d’aucuns considèrent comme le destin en une simple
question. Quand la question est claire, la réponse est évidente. Ce
n’est
pas une élucubration d’intellectuel, c’est une réalité déjà largement
expérimentée. Lorsque votre bonheur est en jeu, n’attendez pas un
hypothétique
miracle.
Cependant,
avec les années qui passent, vous devenez plus fragiles. La jeunesse se
permet
des fantaisies parfois dangereuses, le plus souvent par méconnaissance.
En
vieillissant vous devez devenir plus attentif, plus prudent. Ne
supprimez pas
les fantaisies, abordez-les avec des connaissances qui les rendent
moins
dangereuses.
Le
respect de tous ces conseils ne vous garantira pas une immunité
totale ;
le corps humain est une mécanique complexe que personne n’a encore
comprise
dans sa globalité. Ces quelques précautions peuvent néanmoins vous
éviter
des souffrances superflues. Motivé et dynamique, mais prudent !
Telle est
la recette des vétérans épanouis.
Il
est vrai que certains rares sportifs se sont permis des excentricités
sans en
souffrir ultérieurement. La chance leur a souri. Denise Escande,
alpiniste réputée,
qui, à plus de 70 ans, venait dans une voie de montagne très difficile
rééduquer
une cheville cassée, m’a déclaré alors que je lui offrais à
boire : « Merci
jeune homme ! mais je ne bois jamais en montagne ; je suis
comme un
chameau ! » Je me suis bien gardé de lui dire que c’était une
erreur, respect oblige — j’avais 35 ans —, mais je l’ai
observée comme
une miraculée, sachant parfaitement à quoi s’expose celui qui ne boit
pas
suffisamment, surtout en montagne.
Mais
pour vous, individu raisonnable, est-il bien sérieux de compter sur la
chance
pour vieillir dans de bonnes conditions ? La réponse est dans ce
proverbe
japonais : « Attendre la chance, c’est attendre la
mort. »
Sakura sensei

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