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LA LETTRE DU GOSHIN BUDOKAI N°44 avril 2021

 

 

SPORT ET SANTÉ

 


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Oyez ! Oyez ! braves gens : « le sport, c’est la santé ! »
Mais peut-être faudrait-il crier plus fort pour être entendu et fournir quelques explications pour se faire comprendre, car l'apathie, le manque d'activité physique et la santé précaire qui s'ensuit affectent d'immenses cohortes sourdes à ce message.
Dans un monde où chacun détient sa vérité et campe mordicus sur ses convictions, comment procéder pour arriver à bouger les lignes de la nonchalance assumée ?

De nombreuses publications présentent des évaluations comparatives de la pratique sportive dans le monde. Comme le spectaculaire, les idoles et leurs succès parfumés de chauvinisme captivent beaucoup plus que la banalité quotidienne, la plupart de ces parutions concernent le classement des nations dans les grandes compétitions internationales. L’éventuelle sportivité des anonymes, des sans-grades, du vulgum pecus n’intéresse pas grand monde. Les médias répondent donc au goût du public qui n’a d’yeux que pour l’élite et les performances exceptionnelles. Ainsi, quand les athlètes représentant la France remportent une victoire convoitée dans un tournoi, une coupe ou un championnat, quand le site greatestsportingnation.com classe la France deuxième derrière les États-Unis de 2016 à 2018, quand worldsportranking.info, qui utilise un autre algorithme, la met à la même place en 2019, des cocoricos endiablés surgissent de toutes parts. La France qui talonne les États-Unis ! Vraiment ! Sans doute compte-t-on bon nombre de réussites de nos élites sportives qui expliquent ces résultats, mais quelles sont les activités physiques des millions de spectateurs fascinés par leurs exploits ? Quel est le vrai niveau sportif de l’ensemble de la population française ? Qui est actif, qui l’est peu, qui ne l’est pas ? Quelques études daignent se pencher sur les habitudes sportives des masses populaires ; elles passent souvent inaperçues, mais ce sont celles-ci qui alimenteront la substance de cet essai.

En dépit de méthodologies et de résultats sensiblement différents dans les quelques documents qui répertorient les activités physiques des populations et tentent d'en définir les modalités de pratique, la France se positionne généralement dans la moyenne, donc très loin des réussites de la fine fleur sportive. Que peut-on en conclure ? Que le sport politique (l'image de la France à l'étranger) et le sport spectacle disposent de moyens dont est privé le sportif lambda ! C’est vrai, et cela commence au sein de certaines associations sportives qui vivent un peu des cotisations de leurs adhérents, mais beaucoup plus des subventions et du sponsoring dont les montants reflètent assez fidèlement les résultats en compétition, même si certaines largesses sont attribuées avec d’autres objectifs. Cette réalité incite de nombreux clubs à beaucoup investir dans la recherche d’une élite, vitrine promotionnelle idéale qui permettra d'attirer de nouvelles recrues rêvant à leur starisation et surtout d’obtenir les subsides convoités, les sportifs modestes n’étant pas totalement délaissés, mais nettement moins bénéficiaires de la manne publique et privée. Évidemment, le processus s’amplifie au sein des fédérations.
Apparemment, la médiocrité sportive de la population française révélée dans les rares publications disponibles n'affecte pas grand monde ; être dans la moyenne est jugé convenable. Néanmoins, la lecture de ces travaux laisse plutôt dubitatif. D’abord, contrairement aux médailles, coupes et titres glanés par chaque pays, faciles à comptabiliser, presque tout repose sur les déclarations des gens interrogés ; la fiabilité n’est donc pas assurée. Ensuite, lister les disciplines et compter leurs adhérents ne présente guère de difficulté, quoique certains adhèrent plus en pensée que physiquement, mais évaluer la qualité des entraînements tient de la gageure. Quelques coachs enregistrent tous les paramètres physiologiques de leurs athlètes, mais pour le commun des mortels, cette collecte s’avère irréalisable et aucune étude n’amène de renseignement sérieux. Ainsi, de très nombreuses personnes prétendument sportives ne dépensent pas beaucoup plus d’énergie lors de leurs exercices physiques qu’en s'excitant devant la retransmission télévisuelle d'un match important.

 

STATISTIQUES

De façon empirique, par croisement des différentes données disponibles ou grâce à des études scientifiques, le lien entre l’activité sportive et la santé s'avère solidement établi, mais ce simple énoncé est insuffisant pour inciter et guider correctement le public indolent qui ne dispose ni de l'expertise voulue ni d'une véritable envie de bouger. En conséquence, les tentatives d'initiation ou de reprise sportive qui avortent sont infiniment plus fréquentes que celles qui perdurent. En cause, une motivation superficielle, des choix d'activité hasardeux et des entraînements inadaptés ou sporadiques. À l’évidence, outre l'indispensable adéquation entre les dispositions physiques et mentales de la personne et le sport sélectionné, la teneur de l’entraînement, sa pertinence et son intensité, difficiles à quantifier, sont bien les paramètres essentiels d'une pratique pérenne et bénéfique. Alors, quel sport conseiller aux différents publics ? Quel type d’effort assure de réels bienfaits ? Comment motiver les velléitaires, orienter les égarés et secouer les allergiques au sport ? Avant de répondre à ces questions, essayons d'évaluer la proportion de la population française concernée par un déficit d'activité physique.

Une étude de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire publiée en 2019 dresse un tableau de la pratique sportive en France pas très précis, mais assez édifiant. En voici quelques chiffres qui n’ont sans doute pas beaucoup fluctué depuis (très proches de ceux communiqués en 2003 par ce même organisme) :

  • En 2018, 66% des Français de plus de 15 ans déclaraient avoir exercé une activité sportive au cours des douze derniers mois, toutefois sans précision sur la discipline, ni sur sa fréquence, ni sur sa durée, ni sur ses conditions d’exercice. Le flou entourant cette statistique ne permet d'en tirer qu'une conclusion : un tiers des Français adultes ou adolescents ne pratique aucun sport depuis au moins un an.
  • En élargissant le champ de l’étude et en y intégrant les activités à des fins utilitaires comme les déplacements quotidiens à pied, à vélo ou encore à trottinette, 75% prétendent être actifs. Là encore, la subjectivité de cette affirmation ne renseigne guère sur le niveau de pratique et ses bienfaits potentiels, mais elle souligne que 25% des Français de plus de 15 ans sont totalement inactifs.
  • Les séances d’entraînement, toutes formes confondues (individuel ou collectif, encadré ou informel) durent moins d’une heure pour 62% de ces sportifs autoproclamés et moins d’une demi-heure pour 22%. C’est peu, sachant que la tendance naturelle des personnes interrogées est d’en rajouter.
  • La pratique sportive baisse drastiquement avec l'avancée en âge ; seule la randonnée accueille de plus en plus d'adeptes avec le temps qui passe, mais sans précision sur l'âge où elle décline, la durée, la difficulté ou la périodicité. Combien de simples promeneurs dans le lot ?
  • Seulement 12% des pratiquants réguliers (ceux qui pratiquent au moins une fois par semaine en moyenne) déclarent s’adonner à leur sport de façon intense. 88% des soi-disant sportifs qualifiés d'assidus ne se donnent donc pas la peine de forcer durant leurs entraînements. Est-ce encore du sport ?

Au-delà des chiffres cités, dont on se demande quelle réalité ils recouvrent, cette étude nous apprend une chose : évaluer la pratique des activités physiques et sportives (APS) des Français, compte tenu de la manière dont les données sont recueillies et malgré un habillage scientifique, revêt un caractère pifométrique affirmé. D’ailleurs un rapport parlementaire, demandé par Édouard Philippe (alors premier ministre) en 2018 dans la perspective d'une augmentation de la pratique sportive, évoque 50% de non sportifs en France en s’appuyant sur des études tout autant approximatives. Dans celui-ci, les bienfaits théoriques du sport sont soulignés : cohésion sociale, bien-être, santé, lutte contre la sédentarité, participation au traitement de certaines maladies, réinsertion de publics particuliers, productivité en entreprise, développement économique, etc. Cependant, seul ce qui touche directement la personne peut la sensibiliser : bien-être et santé. Ce sont donc les thèmes les plus utilisés par les médias avec l'apparence physique.

Pour une majorité d’individus, exercer une activité sportive en gage de bonne santé est une rengaine rabâchée par de multiples organismes depuis bien longtemps qu'ils se complaisent à ânonner sans en comprendre la portée. En effet, c'est la première motivation, malheureusement très éphémère, déclarée par les adultes un tant soit peu actifs, la détente, le plaisir et le jeu venant ensuite, mais plus durablement. Les pouvoirs publics, l’Assurance Maladie et les complémentaires santé savent que l’exercice physique raisonné et régulier induit une réduction sensible des arrêts de travail et des dépenses médicales comparativement à l’inactivité. Il est dans leur intérêt économique et financier d’encourager la pratique sportive, aussi communiquent-ils souvent sur ce thème. Pourtant, les inactifs et les peu actifs, même s'ils ont été incités à acheter des vêtements et des chaussures pour courir, ou à prendre un abonnement dans une salle de sport, toutes dépenses dont l'effet est rarement durable, représentent toujours une large proportion de la population. Voici les chiffres de notre pifomètre personnel :

  • 5% de vrais sportifs ;
  • 15% de petits sportifs ;
  • 30% d’illusionnistes dont les activités sporadiques ou relâchées permettent difficilement de les qualifier de sportifs ;
  • 50% d’inactifs.

Même si tous les chiffres cités sont discutables, le manque d’engouement général, malgré l’insistance des différentes institutions, s’avère incontestable. Comment l’expliquer ? La formulation « être en bonne santé » est-elle trop floue ? Sans doute ! car des gens, essoufflés après avoir monté un ou deux étages, obèses ou affectés d'une maladie chronique se disent malgré tout en bonne santé. Quels arguments pourraient les convaincre qu'ils sont en danger et inciteraient plus sûrement l'ensemble des personnes léthargiques à réagir ? Le lien entre l’activité physique et la santé est-il suffisamment démontré ?

Une étude parue le 14 avril 2021 dans le British Journal of Sports Medicine pourrait peut-être en aider certains à prendre conscience du rapport incontestable qu’entretiennent le sport et la santé. Que nous apprend cette publication ?

  • Après avoir étudié le cas de 48 440 patients adultes avec un diagnostic de Covid-19 du 1er janvier au 21 octobre 2020, l’équipe de chercheurs a pu identifier l’absence d'activité physique comme le risque majeur de développer une forme sévère de l'infection au coronavirus Sars-Cov2. Être inactif s'avère plus nocif que tous les facteurs couramment cités, comme le tabagisme, l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et le cancer.
  • En comparaison avec les personnes ayant une activité physique régulière, dont le dynamisme moyen est pourtant relativement faible — nous préciserons ce point plus loin —, les patients inactifs ont un risque nettement plus élevé d’hospitalisation (multiplié par 2), de développer des formes graves (73% en plus) et de décès (multiplié par 2,5).
  • Par ailleurs, les personnes victimes d'une affection chronique ont avoué avoir réduit leur activité physique en raison de la crise sanitaire. Cette association de deux conditions a sensiblement aggravé le risque de développer une forme sévère.

Voilà la seule étude à notre connaissance qui lie l’activité sportive à la santé sans l’intégrer dans un ensemble plus large de bons comportements. Le lien, les chiffres parlent d’eux-mêmes, n’est plus contestable.
Bien que ne présentant pas un réel caractère scientifique, une publication de l’Anses, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, enfonce le clou en titrant : 95% des Français ne font pas assez de sport. « Quand on a démarré l’étude, on ne pensait pas que le chiffre serait aussi élevé », explique le professeur Irène Margaritis. Ont été évalués les risques liés aux niveaux d’activité physique et de sédentarité des adultes susceptibles d’entraîner diabète de type 2, obésité et accidents cardio-vasculaires. Cet avis se fonde sur l’analyse des résultats de plusieurs études et rapports menés sur la question (liste et méthodologie non précisées) entre 2011 et 2020. La population incriminée a entre 18 et 65 ans, femmes enceintes et ménopausées exclues. Pourquoi exclure ces femmes et le troisième âge ? Tout cela manque de rigueur, mais l’apathie des Français est indéniable.

Les hôpitaux du monde entier ont constaté que les hospitalisations et les décès dus au Covid-19 sont fortement corrélés à l’âge des malades ; plus on est vieux, plus le risque augmente, mais une corrélation n’implique pas une relation de cause à effet. D’ailleurs, l'analyse susmentionnée des causes de complication du Covid-19 n’évoque pas l’âge des patients ; elle met en évidence le lien étroit et prépondérant entre le manque d’activité physique et l’aggravation des symptômes de la maladie. Effectivement, la vieillesse ne doit sans doute pas être directement incriminée, puisque même âgé, on peut être actif, adopter de nouvelles résolutions, changer de mode de vie ou amplifier sa dépense énergétique. Cependant, une autre corrélation mise en évidence dans de multiples enquêtes est éloquente : plus l’âge avance moins on est sportif. Voici la répartition des sportifs autoproclamés, ceux qui déclarent avoir pratiqué un sport, même occasionnellement, durant l'année 2003, femmes et hommes confondus (étude Jeunesse, Sports et Vie Associative parue en 2005) :

  • Entre 15 et 24 ans : 90% ;
  • Entre 25 et 34 ans : 85% ;
  • Entre 35 et 44 ans : 82% ;
  • Entre 45 et 54 ans : 73% ;
  • Entre 55 et 65 ans : 67% ;
  • Au-delà de 65 ans : 37%.

La chute est régulière jusqu'à environ 60 ans, ensuite, elle devient vertigineuse. N'oublions toutefois pas qu'il s'agit de sportifs autoproclamés dont la pratique est souvent minimaliste. D'après les chiffres précités, 37% des plus de 65 ans font du sport ; c'est totalement chimérique. La réalité, comme chacun peut l'observer autour de soi, est largement en-deçà. Si le manque d’activité, première cause de formes graves du Covid-19, s’amplifie sévèrement avec la vieillesse, il semble très logique que les personnes âgées soient plus atteintes que les autres puisqu'elles sont de plus en plus passives, mais pour les sceptiques qui n’arrivent pas à croire à la nocivité prépondérante de l’inactivité, voici une autre publication probante portant sur l’hygiène de vie, dont les APS représentent un volet important.
Une équipe de scientifiques de l’université de Cambridge a mené une enquête portant sur 20 244 personnes pendant 14 ans, dont 1 987 sont décédés durant cette période, afin de déterminer l’impact du mode de vie sur l’espérance de vie.

  • L’étude conclut que le mode de vie idéal — absence de tabac, faible consommation d’alcool, fruits et légumes journaliers, exercice physique d’une demi-heure chaque jour — majore l’espérance de vie de 14 ans par rapport au cumul des quatre facteurs de risque.
  • Le cumul des quatre facteurs (tabac, alcool, manque de fruits et légumes et d’APS) multiplie le risque de décès précoce par 4,4 ; trois facteurs, par 2,5 ; deux facteurs par près de 2 et 1 facteur par 1,4.

Le sport ne limite donc pas ses bienfaits à une réduction de la mortalité liée au Covid-19 ; toutes les maladies voient leur létalité diminuer quand l'hygiène de vie est bien entretenue.
Une remarque s’impose : une vraie pratique sportive induit le plus souvent le respect de deux ou des trois autres critères de l’hygiène de vie retenus par ces chercheurs. En revanche, l’application d’une des recommandations, ne pas fumer, refuser l'alcool ou consommer des fruits et légumes, n’engendre pas systématiquement l’adoption du sport. En conclusion, le sport est bien la source essentielle d’une vie saine, longue et heureuse.

Finalement, les résultats de ces études apparaissent comme une plate évidence aux yeux des sportifs qui connaissent depuis longtemps les effets bénéfiques de leur activité. Néanmoins, elles amènent une importante précision : l'activité physique influe sur la santé dans des proportions, maintenant chiffrées, que peu de gens soupçonnaient. Encore faut-il que les entraînements soient intelligemment menés, car à long terme, les erreurs, surtout quand elles se répètent, se payent parfois très cher, considération qui brille par son absence dans ces publications et explique certaines défaillances d'athlètes apparemment surprenantes. Quoi qu'il en soit, ces preuves supplémentaires et particulièrement éloquentes du lien entre sport et santé place les entraîneurs sur un pied d'égalité avec les médecins ; les premiers pour la prévention des maladies, les seconds pour leur traitement. Avec, bien sûr, des responsabilités équivalentes qui les obligent.

Les chiffres ainsi mis en exergue devraient bouleverser les certitudes des fatalistes, qui croient à l’inflexibilité du destin, des besogneux, qui ont des choses plus sérieuses à faire qu'un loisir sportif, et de ceux qui justifient leur inactivité en évoquant des personnes en bonne santé n'ayant jamais pratiqué de sport ou qui prétextent, cas fréquent, un hypothétique manque de temps. En effet, si la première publication anglaise évoquée porte uniquement sur le Covid-19, ses conclusions sont transposables à toutes les maladies infectieuses et, sans doute, à beaucoup d'autres affections, ce que confirme l'étude de l'université de Cambridge qui étend l'influence de l'hygiène de vie à toutes les pathologies. Cependant, les preuves de la généralisation possible du lien entre sport et santé ne s'arrêtent pas là.

  • Si l'obésité est bien une maladie, l'activité physique apparaît comme sa meilleure prévention ; les vrais sportifs obèses sont rares.
  • Le sport est aujourd'hui reconnu comme aussi efficace que les médicaments pour traiter le diabète. Il est évidemment préconisé en prévention de cette maladie et même dans son traitement.
  • L'Association pour la Recherche sur le Cancer communique actuellement sur le risque de développer un cancer : une bonne hygiène de vie, sans excès, avec une alimentation saine et une activité sportive régulière, réduit de 40% son occurrence.
  • Constat comparable pour l'université d'État d'Ames dans l'Iowa, mais pour la démence. L'analyse des données de plus de 300 000 personnes âgées de 50 à 73 ans suivies pendant 8 ans a montré que ceux qui respectaient tous les critères d'une vie saine, où le sport figure encore comme une priorité, avaient un risque de démence réduit de moitié par rapport à ceux qui s'en abstenaient.

Cette énumération pourrait se poursuivre indéfiniment, car la grande majorité des maladies, tant physiques que psychiques, affecte en priorité les gens peu actifs dont l'hygiène de vie est sensiblement dégradée. D'ailleurs, il ne se passe pas un mois sans qu'une nouvelle publication scientifique ajoute un nouveau bienfait à l'activité physique.
Impossible, néanmoins, de passer sous silence la multitude d'opinions franchement hostiles au sport, les réseaux sociaux, grands dispensateurs de la bêtise humaine, multipliant à l'infini leurs occurrences. Notons que cette fronde ne s’appuie jamais sur des études sérieuses, mais sur des préjugés, des assertions péremptoires et sans fondement de personnages illustres, des on-dit, des gesticulations d’influenceurs illuminés, des prétendues statistiques qui s’établissent sur un très petit nombre de cas, voire sur un exemple unique, ou des reportages concernant les excès, les dérives, les accidents et les conséquences souvent fâcheuses des conditions d’exercice du sport de très haut niveau qui n’est en aucune manière l’objet de notre propos. Nous évoquons ici le sport intelligemment et raisonnablement pratiqué, même de façon intense, mais sans l’épée de Damoclès que constitue l’obligation de résultat. L’activité physique saine est un plaisir, pas une contrainte, ni subie ni auto-infligée.

Aussi bizarre que la formulation le paraisse, être en bonne santé est le moyen le plus sûr de ne pas tomber malade, or le sport, à condition qu’il soit pratiqué dans la joie et la bonne humeur, est toujours considéré comme un critère essentiel pour garantir un excellent état physique, mental et sanitaire. Les esprits tatillons opposeront les noms de sportifs gravement malades ou décédés, du Covid-19 ou d’une autre affection. Néanmoins, quand des analyses ou une autopsie sont pratiquées, une comorbidité ou une anomalie congénitale sont très souvent découvertes. Certes, une statistique n’empêche pas les particularités individuelles de se manifester ; elle démontre néanmoins l’intérêt, voire la nécessité, de s’en inspirer même si le risque paraît négligeable. Un pourcentage faible de mortalité précoce en cas de persistance dans une habitude nocive, peut susciter l’espoir de passer au travers des mailles du filet sans rien changer, mais cette solution de facilité n’est pas judicieuse, sauf à vouloir jouer sa vie à la roulette russe sans se préoccuper des proches ni de la collectivité malgré le risque de leur infliger l’inconséquence d’une croyance naïve à l’invulnérabilité. « Attendre la chance, c’est attendre la mort », disaient les samouraïs. De plus, indépendamment du recul probable de la date de sa mort, entretenir une bonne hygiène de vie est la méthode la plus sûre, attestée par la médecine, pour s’assurer une qualité de vie au-dessus de la moyenne.
En réalité chacun, dans une très large mesure, est maître de son sort, et par répercussion de celui de la collectivité, mais cela nécessite de comprendre et d’adopter les comportements qui conditionnent une vie saine et épanouie. Parmi les règles à respecter, le sport s'avère incontournable, sorte de prophylaxie malheureusement sous-estimée par la grande majorité de nos concitoyens. Cependant, comme toujours, il ne sert à rien de raisonner sur des termes mal définis ; commençons par là.

 

CIRCONSCRIRE L'ACCEPTION DES MOTS « SANTÉ » ET « SPORT »

Le Robert définit la santé ainsi : « fonctionnement plus ou moins harmonieux de l’organisme. » Dans cette acception, la santé peut être bonne ou mauvaise. Ce dictionnaire donne une autre définition où la santé est toujours sous-entendue bonne : « bon état physiologique d’un être vivant, fonctionnement régulier et harmonieux de l’organisme. » On retrouve cette acception dans l'expression « avoir la santé ».
Avec ce même sous-entendu, l’OMS va plus loin : « état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Ainsi, une condition physique qui n’est pas optimale, un esprit confus ou stressé suffisent pour considérer que la santé est détériorée, car ces dégradations, même légères, constituent des entrées potentielles pour des affections plus ou moins graves ou des polluants psychologiques. Mais qu’entend-on par bien-être social ? Nous vivons au sein d’une famille, de différents groupes ou de l’ensemble de la société ; nous pouvons nous y sentir bien ou mal, accueilli ou rejeté, écouté ou contesté, aimé ou haï… Certaines relations sont tordues, parasitées, déséquilibrées, entachées d’indifférence, d’incompréhension ou d’hostilité. Au même titre qu’un physique affaibli ou une psychologie perturbée, un malaise social peut troubler les équilibres internes d’un individu et favoriser l'apparition d'une maladie. Ce qui différencie le bien-être social, du physique et du mental, c’est son extension à tout le tissu relationnel qui concoure à la qualité de vie de l'individu ou qui la compromet. Des personnes en bonne santé, vont devenir agressives, entrer en dépression, détériorer leur hygiène de vie avec tous les soucis qui peuvent en découler, voire attenter à leur vie, à cause d’une rupture amoureuse, d’une rancœur tenace envers quelqu’un, d’une hiérarchie professionnelle trop pesante, de la trahison d'un ami, de l'impression d'être inutile ou mal aimé, d’une difficulté d’intégration, d’une ostracisation, de la relégation du club qu’ils supportent ou de la défaite de leur parti politique. Pour être en bonne santé sociale, les rapports à autrui, aux choses et aux idées doivent être établis et vécus sereinement et clairement. O surprise ! cela concorde avec une des principales préoccupations de l'art martial, budo en japonais. « L’art martial est fait pour ne pas servir » disait Gichin Funakoshi.
C’est donc la définition fournie par l’OMS que nous retenons, puisqu’elle recèle tous les aspects d’une excellente santé, y-compris ceux auxquels Monsieur Tout-le-Monde ne pense pas spontanément, sauf le budoka évidemment, pour qui l'objectif prioritaire est de maintenir des relations pacifiques ou de les rétablir quand elles se dégradent, la technique martiale n'étant qu'un dernier recours. Penchons-nous maintenant sur la définition du sport.

Les différents ouvrages consultés donnent du sport des acceptions extrêmement variées, car ce terme, apparu au cours du 19e siècle, n'a pas toujours désigné la même activité et des interprétations différentes subsistent encore aujourd'hui. Voici celle des dictionnaires les plus connus, pas réellement conforme à l'usage courant :
« Activité physique qui s’exerce sous forme de jeu ou de compétition suivant des règles déterminées. »

Le croquet, qui consiste à faire passer des boules en bois à travers des arceaux en les frappant à l'aide d'un maillet, les fléchettes et la pétanque seraient donc des sports puisque ces jeux d'adresse suivent des règles et font l'objet de compétitions. A contrario, de nombreuses activités physiques très souvent pratiquées en autonomie, librement, hors des structures sportives (alpinisme, spéléologie, jogging, trail, randonnée sportive, cyclotourisme, VTT, skateboard, plongée sous-marine...) ne sont régies par aucune règle précise ; elles n’entrent donc pas dans cette définition et ne devraient pas être considérées comme des sports ! Voilà qui va faire sourire les nombreux adeptes de ces disciplines qui y laissent des litres de sueur et une fatigue parfois à la limite de l'épuisement. Aucune personne sensée ne leur refuse le titre de sportif, sauf les pseudo-érudits ayant rédigé ces absurdités pour qui une activité physique libre de contraintes réglementaires ne serait pas un sport, mais la même en compétition en deviendrait un. À croire que les dictionnaires sont rédigés par des gens qui n’ont jamais décollé leurs fesses de leur siège ; le manque de sport leur embrume les neurones.

Les vrais arts martiaux, réalistes et efficaces, qui in fine ne sont pas un jeu même si on y trouve du plaisir, excluent la compétition et n’acceptent aucune règle, ne s’inscriraient finalement pas, eux aussi, dans le paradigme sportif ! « Le budo est bien plus qu'un sport », dit-on couramment. Certes, mais il suffit de participer à un entraînement pour en constater l'aspect très sportif, c'est-à-dire qui demande des efforts intenses, même si des particularités qui transcendent la simple activité sportive sont immédiatement perceptibles. Ce sont donc les termes employés qui ne reflètent pas la réalité. Sans doute devrions-nous proposer une définition du sport plus générale que celle précitée qui se réfère essentiellement aux sports dont les règles et les épreuves plus ou moins officielles permettent une médiatisation efficace : football, rugby, basket, handball, judo, tennis, vélo, sports mécaniques, athlétisme… Une définition qui ne permettrait pas au pêcheur à la ligne, au bouliste, au joueur d'échecs, au e-sportif figé devant son écran, au promeneur du dimanche, au parent qui renvoie quelques balles à sa progéniture, à l'éternel retardataire qui court après son bus, à l'amateur de baignade estivale ou au conducteur éméché qui fait crisser ses pneus dans les virages de revendiquer le caractère sportif de leurs occupations, car personne, hormis les paresseux et quelques intellectuels, ne conçoit le sport sans de copieux efforts. Mais une définition qui intégrerait toutes les activités physiques de loisir où la dépense d'énergie est substantielle en dépit d'une absence de règles ou de compétition.
Même les prescriptions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), souvent citées comme base indispensable de l'exercice physique, ne s'inscrivent guère dans la notion usuelle du sport, car elles n’exigent que deux heures et demie par semaine d’une activité d’endurance d’intensité modérée (sont cités la marche, la balade à vélo, le jardinage…) ; aucun risque de surmenage avec ces occupations qui, bien que bénéfiques, ne sauraient se parer du qualificatif sportif. Sans doute cette organisation a-t-elle pris conscience du faible effort correspondant à ses recommandations puisque depuis peu de temps elle précise qu'il s'agit d'un minimum qui a vocation à s'étoffer.

Pour bien préciser les niveaux d'effort considérés et leurs effets, mettons en perspective quelques données. Seulement 7% des patients de l'étude anglaise sur le Covid-19, ceux que les chercheurs ont étiqueté « sportifs », respectaient ou faisaient mieux que les recommandations de l’OMS. Quant aux inactifs de l’étude (15% du panel), ce sont des gens qui s’agitaient, sans doute mollement, moins de dix minutes par semaine et une pléthore d’individus (78%) s’inséraient entre ceux-ci et les pseudo-sportifs labellisés OMS, donc avec une pratique notablement insuffisante. Néanmoins, ces chiffres sont à méditer, puisque, dans le cas de cette pandémie, par rapport à la mortalité des inactifs, il suffit d'avoir pratiqué une activité physique conforme aux peu contraignantes recommandations de l'OMS pour diviser le risque de décès par 2,5. Quel diviseur pour les vrais sportifs ? Sans doute nettement plus élevé, grâce à un dynamisme qui leur confère une santé resplendissante (le corps) et un enthousiasme sans faille (l'esprit).
À l’aune de ces différentes études, le sport relève de l'impérative hygiène quotidienne, mais il ne faut pas tomber dans l’illusion en s’adonnant à un simulacre d’activité sportive si l’on souhaite bénéficier d’un réel apport en termes de santé, de bien-être, d’épanouissement et de joie de vivre, car qu'importe de ne pas mourir si c'est pour vivre mal ?

De fait, le corps médical est satisfait s’il empêche les patients inactifs de mourir en leur prescrivant quelques dizaines de minutes d’APS journalière, mais le vrai sportif ne veut pas survivre, il demande beaucoup plus, car il sait — ce n’est pas une croyance ; il le constate réellement — qu’un entraînement soutenu et régulier lui procure d’immenses bienfaits. Ainsi, sa condition physique est excellente, sa santé solide, sa technique maîtrisée et son corps se plie à tous ses désirs, mais surtout, il ressent un sentiment de plénitude pendant son effort et même après. L'analyse de cet état est complexe ; il est en partie lié à la stimulation des sécrétions hormonales durant les efforts prolongés ou intenses, notamment l'endorphine, la dopamine et la sérotonine. Ces hormones permettent la performance, bien sûr, mais elles ont de nombreux autres effets bénéfiques :

  • Sensation de plaisir, de récompense, d’euphorie ;
  • Réduction de la perception de la douleur ;
  • Stabilisation de l’humeur et diminution de l’agressivité (sauf en compétition dans les sports d'opposition, ou quand un enjeu important est ressenti, le stress et l'agressivité activant la sécrétion d'hormones antagonistes) ;
  • Régulation de la faim et de l’absorption des aliments qui s'adaptent aux besoins réels ;
  • Diminution du risque de diabète de type II (environ 6% de la population) ;
  • Amélioration de la mémoire.

Ce n’est pas tout ; cet état physique, sanitaire et mental prédispose à l’ouverture, à la découverte. Tout ou presque devient possible, puisque la vie n’est plus bornée par des capacités limitées. Un budoka y ajoute la sérénité que confère une bonne méthode de défense et la lucidité apportée par la qualité de son observation libérée des habituelles perturbations induites par les affects ; deux qualités qui en induisent beaucoup d'autres et figurent parmi les principaux piliers de l’art martial. Quand il est bien avancé dans la maîtrise de son art, le budoka est habité d’une indéfectible joie de vivre.
La nuance entre vivre et survivre est de taille ; à chacun de choisir, mais nous préférerions que tout le monde choisisse de vivre pleinement car, nous le verrons ultérieurement, le bénéfice n'est pas seulement individuel.

Voici notre définition du sport :
Activité physique dynamique, soutenue et autant que possible régulière permettant d'acquérir, de développer ou d'entretenir des aptitudes athlétiques, techniques et mentales grâce à un programme d'entraînement adapté à l'objectif visé.
Dans tous les cas, si le pratiquant n'est pas assidu, si l'entraînement ne fait pas transpirer, si le rythme cardiaque n'est pas sensiblement accéléré, si le souffle n'est pas largement sollicité et s'il n'y a pas une volonté de progrès sous quelque forme que ce soit, le terme « sport » paraît usurpé. De plus, beaucoup de disciplines sont déséquilibrées et certaines créent même des perturbations ou des traumatismes fâcheux.
Il faut donc préciser quelles formes d’activité physique offriront de réels bénéfices.

 

À LA RECHERCHE DU SPORT COMPLET

La liste des activités qui revendiquent l'appartenance à l'univers sportif est interminable. Si nous devions dresser la nôtre, elle serait sensiblement plus courte, mais pas immuable, car certaines disparaissent alors que d'autres émergent de la profusion d'idées naïvement créatrices. Nombreux sont les sports dont l'intérêt, selon les différents points de vue envisageables, est discutable. Très peu sont susceptibles de combler toutes les attentes, sans déséquilibre ni lacune. Listons donc ce qui semble idéalement nécessaire pour que le sport fournisse tous les attraits ou les bienfaits concevables et épargne les soucis parfois rencontrés par les sportifs :

  • Solliciter tous les aspects de l'appareil locomoteur et des systèmes cardio-vasculaire, respiratoire et nerveux de façon compatible avec l’état du sportif au moment de l’exercice et mobiliser l'ensemble du corps harmonieusement pour ne pas créer de déséquilibre préjudiciable. Si une activité privilégie certaines parties du corps ou un système particulier, il faut lui associer les compléments nécessaires à l'obtention d'un équivalent de sport complet.
  • Entretenir ou développer la force (mesurée en newton), l'énergie (capacité à fournir un travail, exprimée en joule), la puissance (énergie par unité de temps, en watt), la vitesse, l'accélération, la souplesse, l'endurance, la résistance, la réactivité, la précision, la coordination, l'équilibre… toutes les aptitudes physiques dans le respect des limites physiologiques et stimuler toutes les qualités mentales : l'attention, la perception, l'analyse, la synthèse, la déduction, l'induction, la mémoire, la prise de décision, la volonté, la persévérance, la créativité, la confiance en soi, le contrôle des affects… Renforcer l’acuité sensorielle sera un plus non négligeable. Le développement d’une petite partie de ces qualités au détriment des autres peut permettre de briller quelque temps dans une activité particulière ; c'est insuffisant, souvent nuisible, pour s’épanouir toute sa vie dans le sport et dans tout ce qui caractérise une existence saine et bien remplie. Le vrai sportif complet dispose de toutes les qualités qui autorisent l'adaptation rapide à une large panoplie de sports.
  • Être régulier, au moins deux fois par semaine — une moindre itération ne permet pas de progresser suffisamment pour maintenir la motivation —, durer plus d’une heure sans interruption prolongée, avec une intensité relativement élevée pendant une grande partie de l’entraînement (environ 70% de la fréquence cardiaque maximale [FC max]) et imposer quelques accélérations cardiaques (plus de 90% de la FC max) dont la durée peut progressivement s'allonger. Cette FC max se calcule approximativement selon la formule 220 moins l’âge, mais il vaut mieux la relever lors d’un effort extrême (après s'être bien échauffé), les variations individuelles s'affichant dans une large fourchette. Des durées plus courtes sont envisageables, à condition d'en augmenter la fréquence et l'intensité. Attention toutefois à maintenir un échauffement correct.
    Une bonne dose d'entraînement : trois fois une heure et demie par semaine. En faire plus est possible à condition de veiller à respecter un repos suffisant et de ne pas sombrer dans le surentraînement, mais si c’est en couplant plusieurs sports, le risque est moindre, chaque activité sollicitant le corps, les articulations et les différents groupes musculaires de façon particulière.
    Néanmoins, des activités sportives, notamment celles de pleine nature, sortent du cadre de l’entraînement traditionnel. Leur durée, parfois la journée entière, et les aléas climatiques ne permettent pas de les gérer comme celles qui se passent dans les stades ou les structures couvertes. En général, leurs adeptes arrivent très bien à les pratiquer pendant les week-ends ou les périodes de vacances et à les articuler avec leurs autres activités, généralement plus brèves, mais souvent plus intenses.
    Prudence néanmoins en cas de fatigue générale persistante ou de blessures à répétition ; sans doute faudra-t-il ralentir le rythme ou modifier certains gestes. En cas de reprise après une interruption d’activité, la montée en intensité devra être progressive ; d'autant plus si on démarre à très petit niveau. Il est important d'inscrire la réussite dans son entraînement. En vouloir trop, trop vite risque de mener vers l'accumulation d'échecs, de dégoûter, avec l'abandon qui s'ensuit.
  • Venir en complément d’une vie active qui refuse toute sédentarité prolongée. S’activer deux heures par semaine pour compenser une inactivité chronique (travail ou jeu devant un écran toute la journée) n’est pas recommandable. L’expérience nous montre que les préconisations de l’OMS sont insuffisantes pour être qualifiées de sportives, mais elles peuvent s’intégrer dans la partie vie active et ainsi préparer à des activités plus soutenues.
  • Choisir des disciplines qui intègrent des aspects fondamentalement motivants (jeu, communion avec la nature, diversité des situations, plaisir de se sentir performant ou de maîtriser une gestuelle, perception claire de progrès réguliers, utilité pratique…) permettra de les pérenniser, ce qui s'avère indispensable. En effet, les bénéfices escomptés ne surviendront pas tous avant de nombreux mois, voire plusieurs années, et devront être entretenus, car ils disparaissent très vite en cas d'interruption de la pratique sportive. Les motivations éphémères ou futiles (perdre du poids, accompagner un ami, suivre une mode…) sont d'un piètre secours.
  • Même si les activités intellectuelles sont fréquentes dans sa vie, le sport doit présenter de nombreuses situations où l’esprit et le corps sont mobilisés conjointement : résolution de problèmes, élaboration de stratégies, compréhension de la raison et de la finalité des gestes, acquisition intuitive du fonctionnement corporel, maîtrise de ses réactions, contrôle de ses émotions, circonstances nécessitant une totale disponibilité de l'esprit… En effet, le mental est aussi important que le corps, or psychisme et physique interagissent en permanence ; en négliger un revient à condamner les deux à des déficiences plus ou moins dommageables et les déconnecter va à l’encontre de l’indispensable harmonisation des différents aspects constitutifs de l’individu. Les philosophies de l’Extrême-Orient prescrivent depuis longtemps cette harmonie du corps et de l'esprit, mais l’Occident commence seulement à en comprendre la nécessité absolue pour parvenir à un total épanouissement.
  • Tout ce que nous venons d’évoquer ne sera pas possible sans de multiples interactions, de collaboration ou d’opposition, entre les pratiquants. D’abord ces échanges enrichissent la pratique, mais surtout ils participent à la compréhension d’autrui, source de l’harmonie relationnelle. L’homme est un animal social, ce qui n’est pas synonyme d’amical ; tout ce qui l’aide à construire une société apaisée, la santé sociale, notamment la faculté d’empathie, doit être favorisé. Attention toutefois à la compétition dans les sports d’opposition individuelle ou par équipe qui suscite souvent de l’animosité et même de l’agressivité ; cela n’est bon pour personne et en particulier pour les jeunes qui construisent leur personnalité. Les responsables, entraîneurs et parents, devraient veiller à éviter cette dérive.
    Évidemment, les activités physiques sans interaction, qui ne s’occupent que de soi et sont parfois totalement narcissiques, ne répondent pas à ce dernier item, mais elles peuvent s'insérer judicieusement dans un ensemble de sports complémentaires.

Ces préconisations représentent l’optimum théorique vers lequel il faut tendre. Certaines disciplines sont loin de satisfaire à tous ces critères ; elles ne sont pas à rejeter systématiquement, mais il faut être conscient de leurs lacunes ou de leurs déséquilibres et essayer de les compenser. Une solution s'affiche parfois de façon évidente. Par exemple, la randonnée en montagne profite surtout au bas du corps ; en prenant des bâtons, le haut participe à l'effort, à condition de les utiliser en transférant effectivement une partie des appuis dans les bras et les épaules. Cela ne répond toujours pas à toutes nos préconisations, mais l'amélioration est sensible.
Nombreux sont ceux qui s'adonnent à plusieurs sports. Des assemblages bien pensés peuvent s'approcher de notre modèle, cependant, il faut prendre garde à ne pas associer des activités qui cumulent les mêmes défauts, travers fréquent, car les goûts et les aptitudes d'un individu le poussent toujours dans le même sens.

Aucun sport ne peut être considéré comme réellement complet, mais certains, peu nombreux, s’approchent de cet idéal. Quelques pratiques martiales, ni spécialisées ni compétitives, entrent dans ce cénacle ultra-confidentiel. Le véritable artiste martial, serein et lucide, est apte à répondre, de façon préventive ou active et selon des modalités très variées, à toutes les formes d’agression, de la simple provocation à la violence extrême, grâce à ses capacités physiques, techniques, mentales et relationnelles dont il étudie et peaufine les différents aspects toute sa vie, car le budo ne présente guère d’intérêt si sa pratique est éphémère.
Le budo authentique, dont l’utilité pratique est indéniable, constitue donc un choix souverain puisque, sport quasiment sans lacune qui conduit à l’harmonie du corps et de l’esprit, il s’exprime chez l’adepte comme un art de vivre qui en décuple l’intérêt. Évidemment, tout cela ne s’acquiert pas du jour au lendemain ; persévérance, régularité et goût de l’effort sont requis, mais cela s’applique à tous les sports, même si ce qu’ils amènent ne saurait, pour la plupart, se comparer aux apports de l’art martial. Quel que soit le sport envisagé, ces règles de conduite s’avèrent indispensables. C’est dans l’enfance qu’elles s’imprègnent le mieux dans l’habitus, mais les acquérir tardivement reste toujours possible.
Certaines personnes trouvent toujours des prétextes pour se dispenser de sport ou pour éviter d’y emmener leurs enfants. Toute entorse à la priorité absolue du sport sur les contingences, les prétendus impératifs et autres fariboles se paiera forcément un jour. Pour l’adulte inconstant, c’est dommageable, pour l’enfant qui subit, c’est le priver des innombrables bienfaits du sport et compromettre sa santé.

Les médecins en témoignent et les statistiques le prouvent : les sportifs sont moins souvent malades et guérissent plus vite que les inactifs. C’est normal puisque leur bonne condition physique et les défenses immunitaires efficientes qui en découlent, acquises lors d’entraînements soutenus et réguliers, les préservent des différents fléaux qui affectent les oisifs. Le budoka possède toutefois un sérieux avantage. Comme il a beaucoup travaillé sur les différentes composantes de sa psychologie, passage obligé pour atteindre une efficacité martiale permanente, son esprit est mieux structuré, moins encombré par les affects, plus sain et plus efficace en situation stressante que celui des sportifs axés sur le physique et, a fortiori, que celui de la multitude engourdie. Dans le choix d’une activité sportive complète, utile et bienfaisante, le budo coche toutes les cases. La citation de Juvénal, poète satirique de l'empire romain, « Mens sana in corpore sano », y prend tout son sens.

 

SORTIR DE L'ILLUSION

L’importance d’une activité sportive saine et bien menée pour préserver sa santé est donc incontestable, néanmoins, une large frange de la population reste insensible à cette évidence, la civilisation de l’assistanat ayant pour conséquence insidieuse de transférer la responsabilité individuelle à la collectivité. De fait, trop nombreux sont aujourd’hui ceux qui s’en remettent totalement aux institutions pour assurer leur sécurité dans quasiment tous les domaines. La santé, qui peut facilement s’entretenir grâce à une bonne hygiène de vie dont fait partie le sport, incombe, dans l’esprit du public léthargique, au corps médical. Ces gens attendent de celui-ci qu’il réponde à tous les maux que, par négligence, ils se causent, à eux-mêmes, mais aussi à autrui. Il est en effet facile d’extrapoler des travaux anglais précités qu’avec une population un peu plus active les hospitalisations, les cas sévères et les morts du Covid-19 auraient été singulièrement moins nombreux, soulageant ainsi l'ensemble du corps médical et, en conséquence, toute la société civile. Les bénéfices de l'activité physique ne s'arrêtent toutefois pas, nous l'avons vu, à une protection contre cette seule maladie, mais la manière de se remuer et la volonté de progresser sont prépondérantes pour que les profits s'étendent à tous les aspects de la santé, au bien-être, à la qualité de vie et à la joie de vivre. Mais ne vous méprenez pas ; par ce dernier terme, nous évoquons un état permanent, pas le plaisir éphémère de la fête ou de l'événement qui réjouit. S'ensuit la nécessité de s'exercer régulièrement avec une dépense énergétique suffisante pour obtenir des effets sensibles et durables. Encore faut-il être capable d'évaluer ses efforts pour juger de leur pertinence.

Toutes les études sur les pratiques sportives de masse sont indigentes sur la notion d’intensité ou d’énergie consommée, pourtant essentielles. Afin d'éclairer les inactifs et ceux, nombreux, qui vivent dans l’illusion, croient être sportifs, et même les vrais athlètes qui aiment comparer leurs performances, voici quelques éléments de réflexion.

L’intensité d’une activité physique est le plus souvent exprimée en multiples d’une unité de base, le MET (Metabolic Equivalent of Task), correspondant au niveau de dépense énergétique au repos, assis sur une chaise.

  • Activités de faible intensité (moins de 3 MET) : pas d’essoufflement, pas de transpiration. Exemples : marcher à 4 km/h ; promener son chien ; conduire sa voiture ; yoga ; stretching ; tir à l'arc...
  • Activités d’intensité modérée (de 3 à 6 MET) : essoufflement modéré, conversation possible, transpiration légère, 55 à 70% de la FC max. Exemples : marche à 6 km/h ; jogging à 10 km/h ; ski alpin de loisir, vélo à 25 km/h...
  • Activités d’intensité élevée (de 6 à 9 MET) : essoufflement marqué, conversation difficile, transpiration abondante, 70 à 90% de la FC max. Exemples : marche à plus de 8 km/h ou en pente raide ; course de fond à plus de 13 km/h ; plus de 30 km/h de moyenne en randonnée difficile à vélo de route ; montée rapide des escaliers sur de nombreux étages ; ski de randonnée à plus de 600 m/h de dénivelé positif ; escalade sportive très difficile ; entraînement soutenu d'art martial...
  • Activités d’intensité très élevée (plus de 9 MET) : essoufflement très important, conversation impossible, transpiration très abondante. Exemples : sprint à pied ou à vélo ; moins d'une heure au kilomètre vertical ; nages rapides (crawl, papillon) ; tout entraînement prolongé, exigeant, extrêmement dynamique et sans pause...

Pas de vérité absolue dans ce classement, mais un moyen de situer approximativement sa pratique. Évidemment, l’intensité ressentie, qui ne correspond pas forcément à la véritable dépense énergétique, notamment en fonction de l’âge ou du niveau d'entraînement, est propre à chacun et peut s’éloigner sensiblement des indications ci-dessus. Certains ont l'impression de sprinter quand ils sont à la vitesse moyenne des bons coureurs de 100 km. Il faut toutefois s’efforcer de pousser régulièrement la machine humaine dans ses derniers retranchements si on ne veut pas qu’elle s’encrasse. Des activités d’intensité modérée sont intéressantes surtout si elles durent suffisamment longtemps pour développer l'endurance, il ne faut pas s’en priver, mais elles sont insuffisantes pour couvrir tous les besoins d’un individu qui souhaite être performant, équilibré et sain.
Idéalement, le sportif transpire, s'essouffle et accélère notablement son rythme cardiaque tous les jours. De plus, solliciter toutes les filières énergétiques (aérobie [endurance], anaérobie lactique [résistance] et anaérobie alactique [effort intense et bref]) très régulièrement s’avère indispensable s'il souhaite bénéficier de la totalité des bienfaits du sport. À cette fin, il doit s’adonner à des activités riches, complètes et difficiles dont les efforts requis sont très diversifiés. Un sport unique, peu équilibré, à caractère répétitif et intensité constante, c’est mieux que rien, mais loin d'être la meilleure option ; c’est pourtant le mode d’exercice de très nombreux joggeurs, randonneurs ou cyclistes qui rajoutent souvent à ce problème la faible vitesse de leur prestation ou une pratique très épisodique.

Il n’est pas nécessaire, cependant, de se livrer à des sports extrêmes (wingsuit, triathlon, ultra-trail, ski de pente raide exposée…) qui peuvent glorifier quelques personnalités aux capacités exceptionnelles, mais causent de terribles dégâts dans les rangs des sans-grade. À aborder avec précaution et bien préparé. De même, toute pratique compulsive, qui empiète exagérément sur l’engagement professionnel, la vie familiale, les relations amicales ou le temps de repos, doit être sérieusement réfrénée. À moins d’être doté de qualités exceptionnelles qui offrent des perspectives de réussite sportive hors du commun avec le rêve de notoriété qui s'ensuit, il faut savoir raison garder.
Par ailleurs, certains sports s'envisagent difficilement sur la totalité d'une vie, or les bénéfices de l'activité disparaissent rapidement en cas de cessation. Dans cette éventualité, on sera, soit un sportif complet et accompli qui pourra poursuivre sa pratique avec d'éventuels aménagements ou aisément se recycler, soit un monomaniaque avec des qualités physiques très ciblées, mais inadaptées à son inéluctable vieillissement, qui aura beaucoup de mal à se reconvertir. Certes, le plaisir ressenti, au moment de l'action ou lors de la réussite à une épreuve cotée, est important, mais c'est un peu court pour pérenniser l'engouement. Il paraît souhaitable de choisir ses activités sportives et leur mode de pratique en considérant leurs potentielles évolutions et ce qu'elles sont susceptibles d'amener dans le futur.
La santé est la première motivation évoquée par les adultes prétendument sportifs, or la plupart négligent l’essentiel de ce qui pourrait réellement leur être bénéfique, car trop souvent portés par les injonctions médiatiques, la mode et les nouveautés, la recherche du plaisir instantané sans projection sur l'avenir, une présence à l'entraînement plus conversationnelle que sportive ou le besoin de prouver quelque chose même si cela s'effectue au détriment de leur équilibre physique ou mental. Évidemment, parvenir à faire de ses activités sportives la certitude d’un serein épanouissement et d’une santé quasiment inaltérable demande des efforts physiques soutenus et réguliers, et quelques réflexions bien menées, mais il s’agit de soi, de vous… et vous le méritez bien !

Malgré les différentes actions engagées et l’ensemble des bonnes volontés mobilisées, l’activité physique reste globalement à un niveau insuffisant en France. Quels leviers faudrait-il donc actionner pour accroître le nombre de vrais sportifs qui pratiquent une ou plusieurs activités régulières, suffisamment intenses et respectueuse de l'intégrité physique et mentale de leurs adeptes ?

 

COMMENT MOTIVER LES DIFFÉRENTS PUBLICS ?

La première étude présentée dans ce texte et l'avis de l'Anses sur l'indolence des Français ne tiennent pas compte des enfants de moins de quinze ans pour la première et 18 ans pour la seconde. De plus, le Covid-19 épargne largement la jeunesse. Faut-il donc s’en tenir à un statu quo pour sa pratique sportive ? Ne tournons pas autour du pot ; la situation en France n'est pas satisfaisante. Dans beaucoup d’autres pays également, mais selon des causes et des modalités largement diversifiées. Le Sars-Cov2 affecte peu les jeunes, c’est un fait, mais beaucoup d’autres maladies auraient une moindre incidence sur eux si leur état physique et sanitaire s’améliorait. Tous les enfants aiment jouer, courir, participer à toutes sortes d'activités ; comment se fait-il qu'une partie d'entre eux deviennent amorphes ? L'explication n'est sans doute pas univoque, mais depuis quelques décennies l’hygiène de vie s’est copieusement dégradée : alimentation trop riche et déséquilibrée, écrans qui captivent, privent de sommeil et d’exercice... Beaucoup d'enfants ont un réel besoin de réactiver leur goût du mouvement pour les aider à retrouver une bonne condition physique. Certes, l’état et les collectivités locales agissent dans ce sens ; néanmoins, nous sommes bien obligés d’annoter leur action ainsi : « peut mieux faire ! »

L’Éducation Physique et Sportive (EPS) est obligatoire à l’école, mais, dans le primaire, le temps qui lui est imparti est largement insuffisant, les installations sportives parfois éloignées ou inadaptées, les instituteurs pas formés pour cette tâche et pas toujours secondés ; bref, les trois heures officielles par semaine sont souvent mal utilisées, voire plus ou moins sacrifiées.
Au collège, les élèves doivent suivre chaque semaine quatre heures d’EPS en sixième, puis trois dans les classes supérieures, mais au lycée on tombe à seulement deux heures. De plus, les déplacements, les changements de tenue, l’exposé des consignes et les multiples aléas inévitables en amputent une bonne partie. Pour couronner ce mépris du sport, on assiste à un affrontement entre les tenants de la culture physique fondamentale et les partisans d’une activité sportive qui préparerait à la migration vers les associations sportives. Les élèves pâtissent de cette divergence de conception, la qualité et le suivi de l’enseignement fluctuant d’une année à l’autre et d’un professeur au suivant. Beaucoup de freins donc à l'émergence ou à l'entretien d'une motivation sportive ; comment s'étonner de la kyrielle d'enfants et d’adolescents qui présentent des certificats médicaux de complaisance les dispensant de fournir des efforts pourtant profitables ?

Officieusement, avant les réformes Blanquer, mathématiques, français et EPS revêtaient une importance presque similaire dans le primaire et le secondaire (c'est ce qui ressortait du discours des pédagogues qui concoctent la stratégie et les programmes scolaires, mais pas des coefficients affectés à chaque matière). En pratique, pour l'EPS, il s’agit d’un vœu pieux. Certes, des relais sont prévus pour étoffer le maigre temps d’activité sportive obligatoire proposé par les écoles : EPS et sport au sein des associations sportives scolaires (USEP, UNSS, UGSEL) et quelques timides passerelles vers les clubs sportifs, mais seuls les volontaires sont concernés, ce qui laisse une forte proportion de jeunes dont l’activité physique est faible.
Un enfant inactif a peu de chances de devenir sportif à l’adolescence, tranche d’âge qui voit ses effectifs diminuer drastiquement dans toutes les fédérations et les pratiques libres. Qui plus est, s’il est atteint de surpoids (16% des garçons et 18% des filles, chiffres en constante augmentation), voire d'obésité, son avenir médical s’avère inquiétant, notamment s'il passe par l'enseignement supérieur qui s'affranchit de toute obligation sportive, traduction imbécile de la prétendue supériorité des facultés de l'esprit sur les servitudes du corps, où rien ne l'aidera à surmonter son handicap. Alors, que faire ?

Deux types d’incitations peuvent porter des fruits. D’une part celles provenant des institutions nationales, régionales ou locales, publiques ou privées, qui peuvent recourir à différentes formules, d’autre part l’influence de l’entourage proche.
L’obligation de présenter un certificat médical de non contre-indication à la pratique d’un sport pour s’inscrire en club vient d’être officiellement supprimée pour les mineurs et reste exigible tous les trois ans pour les adultes, sauf pour les sports dits à risques. Elle est remplacée par un simple questionnaire déclaratif. Bien que critiquée par une partie du corps médical, cette mesure vise à faciliter l’accès au sport associatif, la visite chez le médecin constituant souvent un écueil qui compromet les velléités d’adhésion. Voilà le type de mesure apte à favoriser l’inscription dans un club, mais il s’agit d’un saupoudrage, car le chantier est immense. D’autres propositions figurent dans le rapport demandé par Édouard Philippe, mais elles frisent la banalité et peu se sont concrétisées à ce jour. Toutefois, le Pass'Sport, enveloppe de 50 € pour financer une inscription en club attribuée aux jeunes de 6 à 18 ans bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire, entrera en vigueur dès septembre 2021. Le geste est louable ; attendons d'en voir les effets, mais il serait étonnant qu'il débouche sur une vraie culture sportive généralisée qui propulserait l’essentiel de la jeunesse dans les stades, les gymnases, les dojos, les piscines ou la nature. L’état, les collectivités locales et divers acteurs influents disposent des moyens nécessaires à cet objectif ; en auront-ils la volonté ? Les espoirs dans ce sens ont souvent été douchés, néanmoins des initiatives fleurissent sporadiquement ici ou là, généralement en direction des enfants et souvent financières. C'est bien, mais toujours insuffisant. D'ailleurs l’argent n’est pas le seul levier sur lequel agir ; ainsi est-on en droit de se demander pourquoi les adultes sont systématiquement laissés en dehors des dispositifs incitatifs ?
Les jeunes ont besoin de modèles. Idéalement, c'est la parentèle qui devrait jouer ce rôle, mais comme l'idéal ne se réalise pas souvent, car peu favorisé par les pouvoirs publics ou le milieu professionnel, la société leur offre des champions médiatiques ou des célébrités locales dont les performances paraissent inatteignables pour la grande majorité. Ceux qui ont déjà une propension à l’activité physique peuvent y trouver une motivation passagère, mais elle doit rapidement laisser la place au plaisir ressenti en s’entraînant, sinon l'abandon surviendra immanquablement, sauf pour une toute petite élite qui se rêve en champion super star et accepte la souffrance qui va de pair. Les enfants et adolescents alanguis n’y voient rien de bien excitant en dehors du décorum qui agite les supporters et autres amateurs de sport spectacle. Pour ceux-ci, l’influence d’une personne qu’ils apprécient, qui veut bien leur consacrer un peu de temps et représente un modèle accessible, sera déterminante. Malheureusement, de nombreuses familles ont surtout des gens apathiques à fournir comme image. Chez celles-ci, deux attitudes se détachent :

  • Si l’enfant est indolent, c’est normal, c’est de famille ; il n’y a donc rien à y faire.
  • On souhaite qu’il pratique un sport — pour sa santé, pour canaliser son hyperactivité, pour le réveiller, pour réaliser par procuration le rêve de papa ou de maman ou pour s'octroyer un peu de temps libre, le club étant perçu comme une garderie, voire pour une autre raison fantaisiste. Un credo dans ces familles : « Fais ce que je te dis, pas ce que je fais ! » Parfois, la sauce prendra, sinon un bon copain sportif pourra peut-être pallier la déficience des parents, mais il faut beaucoup de chance pour que ces scénarios se réalisent.

Dans les deux cas, l’influence des adultes inactifs est néfaste. Ce sont eux qui devraient être incités à l’effort sportif — et pourquoi pas obligés, mais certains vont crier à la dictature —, même à tout petit niveau. Un tel modèle, facile à imiter et même à dépasser, serait un excellent stimulant pour des enfants spontanément peu portés sur l’effort physique et cette démarche profiterait à tous, pas seulement sur l'aspect physique.

Tous les sports ne conviennent pas aux enfants ou aux adolescents. D’ailleurs, certaines disciplines ne leur sont pas, ou peu, ouvertes : haltérophilie, alpinisme en autonomie, sports extrêmes... Le véritable art martial s’inscrit dans cette liste, mais des déclinaisons éducatives, ludiques ou purement sportives les préparent efficacement à évoluer vers un authentique budo à l’âge adulte.
Jusqu’à environ 10 ou 12 ans, la découverte d’une large panoplie de sports, en partie le rôle théorique de l’école, l’autre partie consistant, toujours théoriquement, à leur conférer les aptitudes physiques nécessaires pour y prendre plaisir, permet un choix objectif par la suite. À l’adolescence, le picorage doit s’arrêter pour laisser la place à l’approfondissement d’une ou deux disciplines. Les inciter à choisir un sport complet ou deux moins équilibrés, mais qui s’harmonisent bien, serait souhaitable, mais à cet âge, les déséquilibres ne sont pas graves. La remédiation interviendra, espérons-le, une fois adulte. Dans tous les cas, il est préférable de laisser le jeune choisir une activité physique qui ne séduit pas les parents, plutôt que de lui imposer un sport auquel il ne prendra pas de plaisir. Aller au sport ne doit jamais être une corvée, néanmoins, ses effets étant largement profitables, il faut qu'il s’y adonne sérieusement, ce qui n’adviendra pas sans une certaine forme d’euphorie. S’il veut changer d’activité, ce n’est pas un problème dans la mesure où son prochain choix lui apportera peut-être ce qu’il n’a pas encore trouvé, sauf si cela se répète. Dans ce cas, il faudra lui faire exprimer les sensations qu’il recherche afin de l’aiguiller vers le sport, le club ou l'entraîneur qui le combleront.

Beaucoup de clubs, obnubilés par la compétition, de très loin les plus nombreux quel que soit le sport, séduisent la majorité des parents, qui rêvent de voir leur progéniture monter sur un podium, or nombre d’enfants sont rebutés par l’état d’esprit qui y règne ou s'y adaptent péniblement, leur entourage leur faisant croire à cette seule possibilité. Pourtant, des associations, certes clairsemées, proposent des activités sportives similaires, mais axées sur le plaisir, la détente, le développement des qualités physiques, le plein air, plus ludiques ou éducatives qui leur conviendraient mieux. Néanmoins, peu de gens acceptent de se soustraire à la pensée dominante qui veut que chacun soit classé, comparé, noté, hiérarchisé. Si l'école tente timidement (et stupidement en remplaçant les chiffres par des lettres, ce qui ne trompe personne) d'échapper à ce diktat, le sport y est totalement empêtré. La compétition est devenue la plaie de notre époque, peu ou prou cautionnée par la population presque entière. Quand la France accède à la finale de la coupe du monde de football ou de la coupe Davis, peu de gens s'en désintéressent, attitude qui traduit la soif narcissique collective de la domination. Cependant, il suffit d'assister à des tournois de karaté ou de judo opposant des poussins (6 à 7 ans) encouragés par des parents hystériques alors que ces chérubins ne comprennent rien aux décisions arbitrales pour saisir toute l'absurdité de l'esprit compétitif généralisé. Le sport peut avoir des finalités très diverses ; laissons chacun choisir librement sa façon de pratiquer, n'imposons pas de vue partisane et nous auront sans doute plus de pratiquants. Pouvoirs publics, dirigeants sportifs, fédérations qui associent leur appellation « sportive » à l’obligation de compétition, parents et toute la société civile ont des efforts à faire pour parvenir à ce résultat. Dans l'état actuel du sport et des mentalités, la discipline n’est pas le seul choix à opérer ; les conditions dans lesquelles elle s’exerce et les qualités pédagogiques de l'entraîneur sont primordiales pour que chacun y prenne plaisir. Malheureusement, si les grandes villes offrent quelque peu le choix de la forme sportive, les provinces obligent à aller au plus proche de chez soi, mais rien n’empêche les adhérents ou leurs parents hostiles à l'obligation de se mesurer de faire pression sur les dirigeants pour infléchir leur vision absolutiste du sport où la compétition est la seule voie conforme à sa définition académique. Méfions-nous des généralisations abusives. « Les jeunes ont besoin de se mesurer, de s’affronter » entend-t-on couramment. C’est vrai pour une partie d’entre eux ; pas pour tous, loin de là.

D'autre part, le sport aide l’esprit à s’ordonner et différentes études démontrent un taux de réussite aux examens supérieur lorsque les étudiants sont sportifs. Ceux qui croient privilégier l’intellect en économisant leur énergie se trompent. Une multitude d’expériences en attestent :

  • L’exercice physique favorise l’ancrage des apprentissages ;
  • Il augmente la performance lors des tests d’intelligence.

Parents, remuez-vous donc et mettez tout en œuvre, notamment en montrant l'exemple et en vous affranchissant de tout dogmatisme, pour dynamiser votre entourage ; il en va de votre santé, physique et mentale, de celle de vos proches, surtout celle de vos enfants, de leur réussite dans la vie et surtout de leur épanouissement.

Examinons maintenant la situation des individus matures.
Si certains adultes, quel que soit leur âge, ont compris l'importance du sport et y prennent plaisir, la grande majorité, dont on a vu globalement l’indigence de leurs efforts physiques, se complaît dans uns sorte de léthargie confortable mais préjudiciable, certes à des degrés divers. Pour les faire réagir, il faudrait que les communications institutionnelle et interpersonnelle soit un peu plus persuasives grâce à des arguments bien étayés et des stimulations bien pensées ; nous y reviendrons. Mais d'abord, le phénomène d’entraînement collectif doit être considéré ; plus nombreux sont ceux qui se livrent à une activité, adoptent un comportement ou se rallient à une opinion, plus il y a de personnes tentées de les rejoindre. C’est forcément vrai pour le sport, surtout si des proches fournissent le déclic qui manque à l'élan initial, si les institutions en manifestent la volonté et si les médias cessent d'encenser la seule élite sportive. Toute méthode favorisant ou valorisant l'activité physique des masses populaires est bienvenue.
Plus de la moitié des sportifs n’adhèrent pas à un club ou à une association. Cela pourrait être anecdotique, l’essentiel étant de pratiquer, mais nombreux sont ceux qui font des erreurs dans la conduite de leurs entraînements ou ne trouvent pas la stimulation nécessaire au dépassement d’une routine peu profitable. Être guidé par un professionnel ou une personne compétente, profiter de l’ambiance dynamisante d’un groupe, même pour des activités qui semblent simples comme la marche, le jogging ou le vélo, s’avère souhaitable, au moins au début, pour éviter les bévues ou le manque d’entrain qui conduisent à une pratique relâchée sans bénéfice, voire à l’abandon. Refuser l’inscription dans un club ou les services d'un professionnel pour économiser quelques centaines d’euros, pour rester libre de ses décisions ou pour un quelconque motif n’est pas un bon calcul. Mieux vaut s’assurer de démarrer sur de bonnes bases, mais une fois les compétences fondamentales acquises, chacun peut s'autonomiser s'il le souhaite.
Malheureusement, si certains essayent de sortir de leur torpeur, parfois maladroitement, il existe des hordes d’adultes valides, parfois encore jeunes, qui s’encroûtent, n’ont plus la capacité, ou l’envie, de fournir quelque effort sauf pour hurler devant leur télé quand un but, un point ou un essai a été marqué. Certes, les contraintes professionnelles et familiales deviennent parfois envahissantes, mais elles servent surtout de prétexte. L’hygiène de vie, dont le sport et l'alimentation constituent le cœur, ne devrait souffrir d’aucun relâchement. Certains, anciens sportifs, se reprendront un jour, mais pour tous les autres, je ne vois pas d’autre remède qu’un sérieux coup de pied au cul. Reste à savoir qui — ou quel événement — leur administrera, quand et selon quelles modalités. Peut-être faudrait-il leur répéter, preuves à l’appui, que les morts du Covid-19 sont ceux qui, comme eux, refusaient l’effort physique, mais ce sera sans doute insuffisant puisqu'ils sont sortis de l'épreuve vivants, ce qui les conforte dans leur absurdes croyances.

Qu’en est-il avec les aînés et les vieillards de plus en plus nombreux ?
Les personnes âgées autonomes ne doivent pas être différenciées des adultes plus jeunes ; elles peuvent être encouragées de la même manière. Les jeunes retraités disposent d'ailleurs de plus de liberté pour se consacrer au sport, mais, en ce domaine, le temps perdu ne se rattrape pas. Mieux vaut donc commencer jeune et ne jamais s'arrêter ; les résolutions tardives ont peu de chances d'aboutir. Certes, l’énergie déployée n’est pas la même à vingt, quarante, soixante ou quatre-vingts ans, mais quel plaisir d’affronter ses enfants sur un tatami, d’emmener ses petits-enfants en haute montagne ou ses arrière-petits-enfants faire une randonnée à vélo ! Ou n'importe quelle personne avec qui on se sent bien et à condition d'avoir cultivé de longue date les capacités sportives nécessaires. Le plaisir partagé a peut-être plus d'importance que les bénéfices personnels, mais ce sont ces derniers qui permettent cette communion.
Restent les personnes en résidence collective, médicalisée ou non, et celles, dépendantes, aidées à domicile ou placées en institution spécialisée, qui n'en seraient peut-être pas là si elles avaient été plus actives au préalable. Être âgé, en maison de retraite n’exclut pas un état de santé à peu près correct et un minimum de goût à l’effort, aussi aimerait-on voir dans ces lieux un peu plus d’animations sportives (pas devant la télé), évidemment adaptées aux particularités de chacun. Les résidents verraient leur santé, leur dynamisme et leur joie de vivre faire un sérieux bon en avant. Quant aux personnes ayant besoin d’une assistance, elles ne sont pas toutes impotentes, loin s’en faut, et des séances de gymnastique bien pensées pourraient leur redonner un peu d’autonomie. Actuellement, très peu d'institutions ont mis en place une offre d'activité physique adaptée, mais cela fait partie des propositions du rapport parlementaire de 2018 et ce devrait être un critère de choix quand on souhaite y envoyer un membre de sa famille.

L'âge, nous l'avons déjà souligné, n'est pas un bon critère pour expliquer la mortalité, due au Covid-19 ou à une autre maladie. Nombreuses sont les personnes âgées actives et sportives ; au-delà du fait qu'il est normal de mourir un jour, ce ne sont pas ces vieillards dynamiques qui ont alimenté les statistiques morbides qu'on nous a infligé tous les jours depuis le début de l'année 2020, mais ceux auxquels on a refusé — ou qui ont eux-mêmes rejeté — un programme d'activités physiques qui leur aurait évité de sombrer dans un état quasi végétatif. Espérons que cette hécatombe permettra aux responsables de toutes les institutions concernées de prendre conscience d'une réalité incontournable : les personnes âgées seraient moins vulnérables aux calamités qui les affectent fréquemment si elles étaient plus dynamiques, de préférence dans des activités où les interactions sont nombreuses afin de rompre leur isolement. À bon entendeur…
Offrir une activité physique à tous ces vieillards qui dépérissent est une nécessité à instaurer au plus vite, mais la solution à plus long terme réside dans l’établissement d’une excellente hygiène de vie dès la plus tendre enfance sans abandonner les plus apathiques à leur sort. Devenus des adultes sains, actifs et heureux, la transition vers la vieillesse s’établirait sans heurt ni grand chambardement, les bonnes habitudes prises précédemment assurant la continuité d’une vie épanouie et sans gros souci de santé. État, institutions, entreprises et citoyens ont chacun leur rôle à jouer.

Ce programme repose sur des initiatives individuelles, des aménagements d’horaire et de locaux en entreprise ou dans les services administratifs pour s’entraîner avant ou après le travail ou lors des pauses (salles de musculation, de squash, de tennis de table…), des réorganisations au sein des établissements, une revalorisation de l'éducation physique dans l'enseignement et des moyens, notamment financiers, octroyés par les sociétés privées et les pouvoirs publics. Eh oui ! le nerf de la guerre est toujours l’argent, même s'il ne suffit pas, loin de là, cependant, le retour sur investissement est parfois spectaculaire. Combien la France aurait-elle finalement économisé avec des Français en meilleure santé face au Sars-Cov2 ? Quel profit pour les entreprises ou les services de l'État si les employés étaient en meilleure santé et les arrêts de travail moins fréquents ? Toutefois, les avantages procurés à la collectivité par une population dynamique, sportive et bien portante ne s'arrêteraient certainement pas à l'aspect financier. Je laisse chacun imaginer ce que pourrait être la vie quotidienne et les relations au sein d’une telle société. Juste un détail pour vous aiguiller vers un des apports majeurs d'une généralisation du sport, de préférence non compétitif, dans la population : les hormones libérées pendant l’effort diminuent l’agressivité et induisent la bonne humeur. Et ce n’est qu’un aspect des bénéfices collectifs — la santé sociale — à escompter. Utopie ! À chacun d’agir pour que ce n’en soit pas une.

 

DE LA RESPONSABILITÉ INDIVIDUELLE DANS LES MALHEURS COLLECTIFS

Les décisions des autorités pour tenter de juguler cette pandémie de Covid-19 nous ont infligé d’abominables contraintes loin d'être terminées dont les conséquences seront lourdes, mais difficiles à évaluer pour l'instant. D’autres épidémies surviendront et il est probable que nous devions encore subir le joug de la gent médicale si la population ne réagit pas. On l’a vu, ceux qui encombrent les hôpitaux et décèdent le plus, toutes pathologies confondues, sont les inactifs. En 2018, 40% des Français déclaraient être atteints d'une maladie ou d'un problème de santé chronique ou durable, souvent induit par l'inactivité et prétexte à ne rien faire. Que de proies pour le Sars-Cov2 et les myriades d'agents pathogènes embusqués !
Imaginons que l’ensemble de la population augmente et améliore son activité sportive. C’était l’objectif du rapport demandé par Édouard Philippe : rendre sportifs trois millions d’inactifs. Pourquoi pas, puisque si 66% des Français déclarent pratiquer, dans certains pays on arrive à plus de 80%, certes avec l'imprécision due à la méthode déclarative. Ainsi, malgré une détérioration des modes de vie depuis quelques années (sédentarité, malbouffe... — l’occidentalisation n’a pas que des avantages —), la Chine cultive une tradition sportive, ou plutôt d'activités physiques, souvent en plein air, qui la place parmi les nations les plus dynamiques. Nous évoquons la pratique populaire, pas celle des élites. Des millions de personnes de tous âges s'activent chaque jour dans les parcs et les jardins (marche, jogging, qi-gong, tai-chi, wu-shu, gymnastique, acrobatie, danse...) ; les séances de culture physique sont courantes en entreprise avant de commencer une journée de travail ou durant les pauses ; les écoliers se préparent à l'étude en suivant en musique des chorégraphies sportives ; les clubs d'arts martiaux drainent un immense public ; les sports traditionnels régionaux attirent toujours de nouveaux adeptes et les sports occidentaux ont le vent en poupe. Ajoutons deux cents millions de petites exploitations agricoles dont la majorité est encore exploitée manuellement donc de façon très physique. D'ailleurs, la mécanisation dans quasiment tous les domaines est moins avancée en Chine que dans les pays occidentaux, ce qui implique un travail musculaire nettement plus soutenu. Bien sûr, la stratégie zéro Covid a enrayé l'expansion du virus, bien qu'il ressurgisse sporadiquement ici ou là, mais cette sportivité, ces activités plus exigeantes que le sport d'une majorité d'Occidentaux ne pourraient-elles pas expliquer, au moins en partie, le peu de victimes de la pandémie dans ce pays ?
En tout cas, une belle marge de progression nous est offerte, car ni le manque de temps, ni l’âge, ni la maladie, qui tiennent une grande partie de notre population à l’écart des APS, ne s’y opposent vraiment. Ce ne sont que des prétextes, et il suffirait de développer les moyens et les incitations adéquats pour les voir fondre comme glace au soleil. De belles installations sportives par exemple, avec des équipements modernes, bien entretenues et régulièrement rénovées, attirent un plus large public. Cependant, dans de nombreuses communes, cela tient plus du rêve que de la réalité, le sous-équipement et la vétusté étant omniprésents. D’autre part, de nombreuses installations sont sous-exploitées, réservées à certains publics ou associations qui ne les utilisent pas à plein temps. L’exemple des murs d’escalade, des gymnases ou des terrains de sport gérés par les collectivités locales ou confiés à des exploitants associatifs ou privés, souvent au sein d'établissements scolaires ou municipaux, est frappant qui n’accueillent aucun sportif durant une grande partie de la journée. Certaines structures territoriales ont développé diverses formules pour mieux utiliser ces installations, notamment en rendant libre leur accès à certaines heures moyennant un paiement à la séance ou par abonnement, mais elles sont rares. Multiplier les pistes cyclables est également un bon moyen pour favoriser l’utilisation du vélo à des fins utilitaires ou sportives. Avec un peu d’imagination, il est possible d’inciter les gens lymphatiques à devenir un peu plus actifs et pourquoi pas sportifs.
Bien sûr, drainer plus de monde améliore modestement la situation sanitaire générale ; c'est un premier pas, mais il faudrait que les conditions de pratique soient elles aussi en net progrès et que ceux qui s'illusionnent deviennent réellement dynamiques. Quelques incitations bien ciblées devraient aider les inactifs à démarrer dans de bonnes conditions et les sportifs engourdis à amplifier leur dépense d’énergie. On pourrait suggérer, entre autres, des animations télévisuelles diffusées régulièrement à des heures adaptées dans le genre de Gym Tonic, émission animée par Véronique et Davina dans les années 80 qui permit à de nombreuses femmes d’accéder à une activité sportive. Imposer des séances de gymnastique et d'étirements aux employés de bureau limiterait les dégâts occasionnés par la sédentarité et la position assise prolongée. Sans doute, d'autres initiatives pourraient avoir un rôle moteur, à condition de ne pas recourir aux seuls intellectuels dont les propositions sont souvent déconnectées de la réalité et de laisser le sportif lambda et le non-sportif s'exprimer ; il s’ensuivrait une meilleure santé de la population, donc une résistance à la propagation épidémique largement renforcée. Ainsi, nos services hospitaliers feraient face sans grande difficulté à l’arrivée des personnes gravement atteintes par un nouveau microbe et il n’y aurait nul besoin de restreindre les libertés, dont la finalité avouée a toujours été de ne pas engorger les hôpitaux, ni de placer l'économie sous perfusion, ce qui a inévitablement des conséquences. Qui plus est, cela pourrait aider la kyrielle de professeurs de médecine, qui ont orchestré une inaudible cacophonie durant cette épidémie, à mettre une sourdine à leurs déclarations intempestives et souvent contradictoires.

Une forte proportion de la population française a dénigré, ignoré ou contourné les prescriptions officielles destinées à lutter contre le Covid-19. Chacun est libre d’affirmer ses idées, parfois plus sensées que les déclarations d'experts à la vision étriquée, et d'assumer une sanction s'il contrevient à la loi, mais parmi les contradicteurs, nombreux sont les individus à la santé chancelante à cause d’une hygiène de vie déplorable. Puisque, en dépit de leur hébétude, il était en leur pouvoir d’améliorer leur condition physique, ils sont donc coresponsables de la situation et des décisions qu’ils contestent. Il n’est peut-être pas trop tard pour que leur balourdise se transforme en prise de conscience : la santé n’est pas une loterie ; elle s’entretient et les absurdes vœux de bonne santé du nouvel an n’y peuvent rien. Éviter les excès, s’alimenter correctement, nettoyer et aérer les locaux… et bien sûr mener une vie active et sportive ; la recette est simple et facilement mise en œuvre par les personnes de bon sens. Évidemment, le bon sens n’est pas aussi bien réparti que Descartes le prétend dans l'introduction de son Discours de la méthode ; c’est pourquoi des incitations doivent être trouvées et mises en place. Pourquoi pas financières, puisque même les abrutis savent compter, mais pas sans précautions ni contrôles.
Les assurances fonctionnent selon le principe de la mutualisation des risques. Néanmoins, cette règle n’est pas gravée dans le marbre puisque ceux qui coûtent cher voient souvent leurs cotisations augmenter et inversement pour les autres. Voyez les assurances auto par exemple. Actuellement, quasiment tout le monde cotise à peu près au même taux et est presque intégralement remboursé de ses frais médicaux. Or les sportifs dépensent de l’argent pour s’équiper, s’affilier à un club ou se rendre sur leur lieu d'entraînement, mais ils sollicitent peu les assurances. A contrario, les inactifs ne dépensent rien puisqu’ils ne font rien, mais ils coûtent très cher à la collectivité alors qu’ils sont largement responsables de leur état de santé. Ne pourrait-on pas imaginer un dispositif plus judicieux, pas seulement financier, qui inciterait à l’activité un tant soit peu sportive sans léser ceux qui ne sont pour rien dans la dégradation de leur état de santé ? C'est déjà ce qui est fait avec les multiples communications dissuasives et l'importante, mais apparemment insuffisante taxation du tabac et de l'alcool pour couvrir les dépenses que leur consommation engendre. Les nombreux énarques et polytechniciens qui somnolent dans les ministères pourraient se pencher sur la question.

Finalement, un avenir radieux, dénué d’angoisses sanitaires, ne repose pas sur les seules épaules d’une quelconque autorité fût-elle politique, bureaucratique, scientifique ou médicale ; il dépend de la volonté, éventuellement stimulée, de chacun d’assumer sa responsabilité. Quand un maximum de citoyens prennent soin de leur santé de façon préventive, c’est l’ensemble de la société qui est soulagé. Ce pourrait d’ailleurs être le suprême argument pour convaincre les inactifs réfractaires aux consignes officielles en ces temps de pandémie : faites du sport, pas pour améliorer votre santé puisque vous vous en fichez, mais pour laisser le système hospitalier respirer lors de la prochaine épidémie et ainsi éviter les prescriptions sanitaires liberticides.
Cependant, ces contestataires ne sont pas les seuls responsables. C'est l'ensemble des gens inactifs ou peu portés sur l'activité physique, à la santé précaire, fragile, voire franchement mauvaise, qui a saturé, ou peu s'en faut, les services hospitaliers et, par ricochet, nous a imposé une amputation drastique de nos libertés. Par souci d'équité, mais surtout pour éviter de reproduire la crise actuelle, ces personnes valides et autonomes, mais amorphes, qui ont causé collectivement cette situation ubuesque, devraient accepter aujourd'hui l'effort d'améliorer leur condition physique en étant plus actives et plus sportives.
« Mais nous n’y sommes pour rien ! » clament en chœur les inactifs qui n’ont pas été malades durant cette pandémie, n’ont par conséquent pas encombré les hôpitaux et ne souhaitent toujours pas faire le moindre effort. Certes, ils ont eu la chance de ne pas subir le Covid-19, mais c'est oublier la pléthore d'hospitalisés dont le piètre état sanitaire le plus souvent dû à leur inactivité, en tout point comparable au leur, ne leur permettait pas de lutter contre ce virus. D'ailleurs, celui-ci n’est pas encore terrassé et il les infectera peut-être demain. Et même si ce coronavirus les épargne, un variant, un autre microbe ou une maladie induite par leur inconséquence leur sera peut-être fatal. Pour éviter cette éventualité, l’occupation d’une kyrielle de lits d’hôpitaux et les restrictions de liberté qui en découlent, il suffit d’en supprimer collectivement la cause, c’est-à-dire l'état physique et sanitaire dégradé d'une part notable de la population, proie rêvée des agents pathogènes existants ou à venir. On l'a vu, il suffit de respecter quatre prescriptions pour s'assurer une bonne santé, donc une excellente résistance aux maladies :

  • Ne pas fumer ;
  • Boire peu d'alcool ;
  • Manger équilibré avec des fruits et légumes ;
  • Pratiquer un sport régulièrement ;
  • Nous ajouterons volontiers un cinquième item : nettoyer et aérer régulièrement les lieux de vie pour éviter les concentrations de polluants.

Dans certaines études allant dans le même sens, d'autres critères sont évoqués, notamment ne pas être affecté d'un surpoids ou d'hypertension artérielle.
Pour avoir un sens, l'individu concerné doit respecter ces recommandations de façon permanente ; dans ce cas, le surpoids ou l'hypertension sont improbables, inutile donc de les inclure dans la liste des bonnes conduites puisqu'ils ne sont pas des comportements, mais des états, conséquence du non-respect des cinq paramètres de l'hygiène de vie.
Avec seulement cinq éléments, la recette est simple et accessible à tout le monde ; à chacun de mettre la main à la pâte pour que la collectivité s’en délecte.
Le prochain virus meurtrier se régalera si la santé de la population ne s'améliore pas. Cependant, les éternels assistés comptent sur la science pour les protéger des prochaines calamités. Mais la science n'a pas réponse à tout ; parfois elle semble même se tromper. En fait, il est normal d'émettre des hypothèses que l'expérience ne confirme pas. Ce n'est pas la science qui s'égare, mais les vulgarisateurs qui dogmatisent des théories, les chercheurs qui publient trop vite des résultats partiels ou des sommités à l'ego hypertrophié qui sidèrent la communauté scientifique par leurs affirmations sans fondement. Si ces comportements sont nuisibles, la vraie science est utile, mais il est préférable de ne pas tout en attendre, car elle n'est pas toute puissante, surtout quand d'autres solution qu'une naïve passivité existent, or l'état sanitaire est directement corrélé à cinq principes faciles à appliquer. Le sport en constitue d'ailleurs la pierre angulaire qui, outre la santé, fournit de nombreux bienfaits. Pourquoi s'en priver ?
Pour aider les adeptes de la vie sans effort et ceux qui ne sont pas suffisamment actifs, il serait bon que chaque sportif, chaque entraîneur communique son enthousiasme afin d'aiguillonner leur envie de se remuer. Quant à l'état, aux collectivités territoriales, aux organisations, aux institutions et aux médias, espérons qu'ils relayent les conclusions convergentes des diverses études sur l'activité physique des masses populaires, mais surtout pérennisent l'information essentielle qu'elles mettent en lumière en mobilisant tous les moyens nécessaires : le sport, c'est la base de l'hygiène de vie ; le sport, c'est la santé. Il a fallu 50 ans pour équiper tous les logements français d'une salle d'eau avec douche ou baignoire et faire en sorte que leurs habitants l'utilisent ; une première victoire pour l'hygiène. Combien de temps faudra-t-il pour amener la majorité de la population à s'exercer dans les installations sportives existantes et futures ou à pratiquer sérieusement un sport de nature ? L'actuelle pandémie de Covid-19 et la perspective de nouveaux fléaux suggèrent qu'il faudrait aller beaucoup plus vite.
Cependant, communiquer sur le lien entre le sport et la santé est utile, mais insuffisant pour dynamiser les foules. En fait, manger des légumes quand on ne rêve que de viande, de charcuterie, de frites ou de pâtisserie, se priver du plaisir de fréquentes fêtes alcoolisées ou remuer sa graisse quand de bons programmes sportifs sont diffusés, tout cela pour, théoriquement, améliorer sa santé ne constitue pas des propositions très attrayantes pour une bonne partie de nos concitoyens. Même les personnes vertueuses qui ne boivent pas, ne fument pas et s’appliquent à équilibrer leur alimentation, mais ne se sentent pas concernées par les activités physiques, réagissent peu à l’incitation sportive pour améliorer leur santé qu’elles pensent déjà soigner correctement. Si, pour exhorter à la pratique du sport, on oublie de mentionner le plaisir ressenti durant l’entraînement, l'amélioration de l'humeur, la satisfaction de réussir des gestes ou des actions difficiles, l’optimisation de la condition physique, l’acquisition de nouvelles aptitudes qui facilitent la vie quotidienne, la capacité du sportif à jouir pleinement de tout ce que l’existence et la nature lui proposent, la sensation de bien-être permanent qui s’installe progressivement, la disparition de tous ses soucis pendant les entraînements, le partage de moments intenses, l’euphorie communicative des sportifs, la source de nombreuses amitiés, une meilleure connaissance des réactions humaines, la parfaite perception de l'origine des faiblesses et des difficultés qui permet de réagir et d'y remédier instantanément sans aide extérieure… et l'enchantement d'agir pour le bonheur collectif, peu de gens auront envie d’adhérer ou de renouveler une première expérience qui s’est parfois révélée plus souffrance que délivrance si les bonnes conditions n’étaient pas réunies. Le sport, il faut le claironner, peut combler toutes ces attentes, tous ces besoins, tous ces désirs et bien d’autres bienfaits que nous n’avons pas cités. À condition de fournir quelques efforts et de persévérer, la récompense est assurée.

Le sport nous détend, le sport nous épanouit, le sport nous procure un sentiment de plénitude, le sport nous offre la joie de vivre, le sport nous rend heureux individuellement et collectivement... accessoirement, le sport nous confère la santé. Le sport est indispensable.

Convaincu ? Alors bougez, accélérez, soyez dynamique, montrez l’exemple, communiquez votre flamme et activez tous vos relais influents pour que les pouvoirs publics et tous les acteurs concernés se décident enfin à agir sérieusement ; il y a urgence ! Et j’aurais mauvaise grâce à ne pas vous conseiller la meilleure activité : un authentique art martial, apte à procurer tous les avantages que nous venons d'évoquer. À Okinawa, berceau du karaté, la population est très active, dynamique, sportive, conséquence d'une histoire hors du commun. La pratique du budo est une véritable institution, y-compris pour les personnes âgées, nombreuses dans les dojos. Assurément, avec le régime alimentaire, voici en grande partie l'explication de l'exceptionnelle longévité des habitants de cette petite île.

Sakura sensei


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